Production laitière : les 4 essentiels pour se convertir au bio
Sommaire
Sommaire :
1- Trouver la bonne coopérative laitière
2- Être cohérent dans son système de production laitière
3- Se préparer à avoir des contrôles à répétition de sa production laitière
4- Faire les bons choix de trésorerie pour une production laitière bio
La collecte de lait de vache bio continue sa croissance. En 2019, on enregistrait un niveau historique proche du milliard de litres. Une progression de 16% par rapport à 2018. Une part qui représente aujourd’hui près de 5% de la collecte laitière en France.
Emilien , éleveur laitier dans l’Oise, a décidé de surfer sur la tendance bio pour relancer l’économie de son exploitation. Retrouvez à travers le témoignage de ce jeune éleveur les 4 essentiels pour passer à l’agriculture biologique. Trouver la bonne coopérative laitière, être cohérent dans son système, se préparer à avoir des contrôles à répétition, faire les bons choix de trésorerie.
1- Trouver la bonne coopérative laitière
En 2014, Emilien a choisi de relancer l’exploitation familiale en péril en passant à l’agriculture biologique malgré les craintes de son père. Pour cela, il s’est rapproché de différentes coopératives afin d’étudier ce qu’elles proposaient. En 2016, son choix s’est arrêté sur Biolait qui accompagne les éleveurs voulant passer à une activité laitière bio. Emilien a pu toucher deux aides :
- Une aide à l’installation : 6 000 € à tout éleveur s’installant en bio
- Une aide à la conversion à hauteur de 25 000 € pour le cas de son exploitation (calcul basé en 2016 sur 30 €/1000 litres)
Pourquoi Emilien a-t-il choisi Biolait ?
Outre ces différentes aides, Emilien a été séduit par le prix fixe à l’année ainsi que les valeurs transmises par la coopérative.
« L’ensemble du lait est vendu au 31 décembre et on connait tout de suite le prix pour l’année suivante. Quel que soit le volume de lait. Il n’y a pas de pénalité sur les excès de production. Nous avons aussi choisi Biolait car ils ont les mêmes valeurs que nous : la solidarité entre les éleveurs. Chose qu’on ne retrouve pas forcément en conventionnel. »
Quelles sont les coopératives en lait bio en France ?
Aujourd’hui, huit laiteries bio tirent leur épingle du jeu : Eurial /Agrial et Biolait au niveau national, Lactalis, Sill, Saint-Père, Triballat et Sodiaal en Bretagne / Pays de la Loire et Danone en Normandie.
Biolait, Lactalis et Sodiaal assurent à elles seules les trois quarts de la collecte nationale de lait bio (69% du volume en 2018).
Toutefois des différences de prix persistent entre les différentes coopératives et Danone affiche le prix du lait bio le plus élevé avec 515,57€ / 1000 litres. Soit un écart de 45€/1000 litres de plus que Biolait*.
*Prix calculé pour un lait de 41 TB et 32,5 TP, avec moins de 180 000 cellules, de 18 000 germes et de 700 spores butyriques selon l’observatoire. Le tout avec une saisonnalité correspondant aux moyennes françaises et incluant les primes propres à chaque laiterie.
2- Être cohérent dans son système de production laitière
Selon Emilien, le passage en agriculture bio nécessite d’abord une réflexion importante autour de la cohérence du système que l’on met en place. « Il faut viser des systèmes cohérents, il faut viser l’autonomie. » Quelles questions devez-vous vous poser pour assurer la cohérence de votre système de production laitière bio.
Pourquoi viser l’autonomie ?
« Tout simplement car les intrants bio sont très coûteux ! »
En passant en bio, vous devez produire vous-même au maximum l’alimentation de votre troupeau, pour éviter de voir vos charges d’alimentation s’envoler et réduire considérablement votre marge.
Quel est le système le plus cohérent alors ?
« Il faut avoir une surface d’herbe importante : c’est l’aliment le plus économique et le plus équilibré pour les vaches. »
Avant même de commencer votre production laitière en bio, vous devez vous poser cette question : quelle surface en herbe est accessible depuis la stabulation pour que mes vaches aillent à la pâture ?
Quels changements sont à observer au niveau de la production du troupeau ?
« La baisse de production est très impressionnante par rapport au système conventionnel mais il ne faut pas prendre peur ! Il faut juste s’habituer au raisonnement de l’élevage bio… »
Le potentiel de production laitière en bio est calculé en fonction de votre système fourragé. Alors qu’en conventionnel c’est le contraire : on donne à manger aux vaches en fonction du potentiel de production qu’on veut atteindre.
Pour connaître votre potentiel de production laitière, vous devez calculer :
- Litre de lait / hectares de SAU : dépend de l’accès aux pâtures, du potentiel des sols
- Chargement / hectares
- Litre lait / vaches potentiel
Dans tous les cas, l’important c’est bien la marge générée à la fin et non pas la quantité de lait produite par vache !
Au niveau sanitaire, faut-il prévoir des changements ?
Le passage du conventionnel au bio a aussi un impact important sur l’aspect sanitaire du troupeau. C’est un changement de pratique brutal pour les animaux ! Il faut donc être vigilant et savoir réagir pour faire vivre ces changements le mieux possible au troupeau.
« Chez moi, certaines vaches ont perdu des poils et ont subi une dépigmentation… L’important c’est d’être un éleveur avant tout et de prendre soin des besoins de chaque animal. Les vaches, c’est le ciment de notre boulot, si ça ne tourne pas, rien ne tourne… »
3- Se préparer à avoir des contrôles à répétition de sa production laitière
En 2019, Emilien a été contrôlé 8 fois, principalement au sujet de sa certification bio, de la vente de lait cru et des transformations.
La commercialisation des produits à la ferme sous le label Agriculture Biologique nécessite obligatoirement des contrôles réguliers. Cette surveillance accrue se caractérise par des contrôles inopinés des organismes de certification agréés. Les contrôleurs veillent à ce que la réglementation européenne soit bien respectée. Tout est passé en revue : la gestion du troupeau, la traçabilité des cultures, les stocks, la comptabilité…
Comment est-ce que tu vis ces contrôles ?
« C’est une vraie perte de temps car on passe un moment à ressortir toute la comptabilité et à tout justifier. Il faut vraiment être passionné pour pouvoir surmonter ces contraintes car pendant les contrôles, on se fait un peu taper sur les doigts… »
Comment s’y préparer au mieux ?
« Au niveau sanitaire, j’ai suivi une formation hygiène et sécurité afin de respecter toutes les pratiques exigées par le label. Je suis quelqu’un de discipliné sur l’administratif, toute ma traçabilité et ma comptabilité sont tenues à jour. Heureusement car c’est ce qui permet de gagner du temps lors des contrôles. »
4- Faire les bons choix de trésorerie pour une production laitière bio
Lorsqu’on est dans une démarche de label, il ne faut pas compter sur les primes pour assurer sa trésorerie. Ces primes sont très souvent versées en retard et parfois on ne les obtient pas entièrement.
« L’année dernière, j’ai eu un trou de trésorerie de 15 000 € du fait d’un retard de prime. Et en 2017, la prime n’a été versée qu’à hauteur de 50%. Il faut donc s’adapter et avoir de la trésorerie de réserve en attendant les primes. »
Comment est-ce que tu optimises ta trésorerie ?
« Je suis très carré sur la tenue de ma comptabilité. J’assure un suivi régulier des comptes et des dépenses. J’utilise un tableau de bord sur lequel je peux m’appuyer dans mes décisions d’achat.
Avec mon organisation de maitrise des dépenses et le système d’autonomie, je ne dépense presque rien, donc j’arrive à gérer ma trésorerie. Par contre, je ne me suis pas versé de salaire pendant un an et demi, je vivais grâce à l’aide des Jeunes Agriculteurs.
J’ai fait le choix de valoriser mes propres produits afin de mieux maîtriser mes prix de vente. De là est né mon projet de créer mon magasin à la ferme. Depuis 1 an, on arrive a sortir 2,5 smic sur la ferme, pour environ 2,5 UTH (unité de travail humain). »
Retrouvez les aventures d'Emilien sur sa page Facebook GAEC Tout Bio Tout Roose