Le plan prévisionnel de fumure : guide pratique pour les agriculteurs
Sommaire
Le plan prévisionnel de fumure azotée, aussi appelé plan de fumure, plan de fertilisation ou encore PPF N, est un document obligatoire pour les agriculteurs. C’est aussi un outil très intéressant dont la conception participe à mieux contrôler les charges et à protéger l’environnement. Objectifs, exploitations concernées, règles de calcul, obligations, optimisation de la fertilisation… Découvrez notre guide complet sur le PPF.
Plan prévisionnel de fumure pour les cultures : définition et objectifs
La notion de plan prévisionnel de fumure azote apparaît dans l’arrêté du 22 novembre 1993, relatif au code des bonnes pratiques agricoles. Elle est une réponse à la directive du Conseil Européen du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (91/676/CEE).
Dès le départ, l'objectif n°1 de ce plan est d'optimiser l'apport d’azote aux cultures, ceci afin de maximiser les rendements en tenant mieux compte de la diversité des situations (types de sols, de cultures…), tout en minimisant les impacts environnementaux, notamment sur les zones dites vulnérables :
- les eaux souterraines et les eaux douces de surface captées pour la consommation humaine (teneur maximale de 50 mg/L)
- les eaux des estuaires : risque d’eutrophisation, ou suraccumulation de nutriments qui favorise le développement d’algues
Pour résumer, ce document administratif explique dans le détail la planification annuelle et les calculs de la fertilisation en azote, en phosphore et en potassium (N, P, K) sur chaque parcelle ou îlot cultural de l’exploitation. La réalisation du PPF s’accompagne de celle du Cahier d’Enregistrement des Pratiques (CEP), qui enregistre, quant à lui, les apports effectivement réalisés pendant la campagne.
Intérêts et avantages du PPF pour les agriculteurs
En pratique, le PPF permet de calculer précisément les doses de fumure azotée, organique et minérale, nécessaires à chaque parcelle de l’exploitation. Et cela offre de nombreux avantages aux agriculteurs :
- économies liées au raisonnement des fertilisations (15 à 30€/ha)
- économies liées à une meilleure gestion des commandes d’engrais
- évitement de carences en apports azotés nécessaires aux besoins de la culture
- limitation des risques d’excès en azote
- raisonnement de la rotation des cultures et inter-cultures pour une meilleure valorisation et structuration du sol
- intégration de légumineuses pour limiter les apports d’engrais minéraux et organiques
Les informations collectées vont également servir dans d’autres cadres comme :
- les aides PAC
- le suivi phytosanitaire
Qui sont les agriculteurs concernés par le plan prévisionnel de fumure ?
Le plan prévisionnel de fumure azote est une obligation administrative annuelle que tous les agriculteurs doivent réaliser, et ce, à 4 conditions :
- si leur exploitation est située en zone vulnérable
- si leur surface est supérieure à 3 hectares
- si elle est soumise à des mesures agro-environnementales spécifiques (MAE)
- si elle est soumise à des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE)
L’élaboration du PPF concerne donc principalement les agriculteurs des régions nord, nord-est, nord-ouest et sud-ouest de la France, largement concernées par les zones définies comme vulnérables. Cela représente entre près de 65 % des exploitations agricoles françaises. La liste des zones est réalisée par les DREAL (Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).
Vous trouverez de nombreuses données concernant les concentrations en nitrates des territoires en France sur la page suivante.
Notez cependant qu’au-delà de l’obligation réglementaire, le PPF est avant tout un outil pour piloter la fertilisation sur votre exploitation. Il aide à optimiser le premier poste de charge d’une exploitation : la fertilisation. En ce sens, il peut être source d’économies.
Quelles sont les parcelles concernées par le PPF ?
- Un PPF doit être établi pour chaque îlot cultural exploité en zone vulnérable, que vous ayez ou non prévu une fertilisation azotée. Les exploitations soumises à la réglementation ICPE ou engagées en MAE, hors zones vulnérables, sont aussi concernées.
- Vous prévoyez un apport de fertilisants azotés de type 3 (engrais minéraux et uréiques de synthèse) sur un îlot couvert par une culture dérobée : il faut 2 PPF, un pour la culture dérobée et un second pour la culture principale.
Étapes de la création de votre plan prévisionnel de fumure
Intéressons-nous maintenant aux différents éléments de la conception du plan de fumure :
- la période de réalisation
- les informations à prendre en compte (dont les CIPAN)
- la méthode de calcul
- les outils et logiciels qui peuvent vous aider
Quand faut-il réaliser son PPF : les dates clés
Le PPF doit être établi pour toutes les surfaces de l’exploitation, en incluant les parcelles non fertilisées, à une date définie par votre GREN régional (ex : 31 mars en Bretagne, 15 avril dans les Hauts-de-France…). Celui-ci doit être :
- établi à l'ouverture du bilan : semis ou sortie d'hiver pour les cultures d'automne
- terminé avant le 1er apport réalisé en sortie d'hiver
- ou réalisé avant le 2ème apport réalisé en sortie d'hiver en cas de fractionnement
Les informations à fournir dans votre PPF annuel
Le PPF doit obligatoirement contenir les informations suivantes :
- l’identification des parcelles
- l’identification de l’îlot
- la date d’ouverture du bilan (date de mesure du reliquat au semis, ou en sortie d'hiver pour les cultures d'automne)
- la surface culturale en hectares
- le type de culture
- la période d'implantation envisagée
- la variété (dans le cas du blé)
- le pourcentage de légumineuses si association graminées/légumineuses
- le type de sol
- le précédent
- l’objectif de rendement*
- les besoins de la culture (alimentaires, azote restant dans le sol)
- les fournitures (la mesure des reliquats d'azote en sortie d'hiver**, de la matière organique du sol ou la quantité d’azote totale, l’effet des prairies retournées, l’effet de la culture intermédiaire, la minéralisation des résidus du précédent, l’effet direct des amendements organiques (N efficace), les apports par l'eau d'irrigation en mg/L***)
- les apports par irrigation prévus et la teneur en azote de l’eau d’irrigation
*Objectif de rendement : valeur moyenne des 5 dernières années de production, à défaut, rendements moyens départementaux. Retirer le meilleur rendement et le plus mauvais afin de ne conserver que 3 années pour faire votre moyenne de rendement.
**Reliquat sortie hiver (RSH) : Prélèvement de terre effectué en sortie d’hiver afin d’estimer le reliquat d’azote dans le sol. Un certain nombre de reliquats est exigible en fonction de la taille de votre exploitation. Utilisez vos propres mesures ou consultez les valeurs diffusées par le Les Groupes Régionaux d’Expertise Nitrate (GREN).
***Apports par l'eau d'irrigation en mg/L = Quantité d'eau (mm) x teneur en nitrates (mg/l) x 0.0023
Le rôle important des Cultures Intermédiaires Piège à Nitrate (CIPAN)
La création de votre plan va requérir de mesurer la fertilisation azotée nécessaire en prenant en compte la présence des CIPAN, les intercultures et couverts évoqués dans le cadre de la Directive Nitrate. Ces cultures servent notamment à fixer les nitrates du sol pour éviter leur transfert vers les nappes phréatiques et les cours d’eau.
Ces CIPAN participent aussi activement à diminuer le développement des adventices, à limiter l’érosion et l’acidification du sol, ou encore à renforcer l’activité des micro-organismes bénéfiques aux cultures.
Elles sont également requises dans le cadre des réglementations et des aides PAC.
Méthode de calcul pour construire votre PPF
Le calcul prend principalement en compte les besoins en azote de la culture par rapport à un objectif de rendement et les fournitures en azote (sol, effluents organiques, fertilisants minéraux, fixation symbiotique).
La méthode du bilan d’azote minéral du sol est celle détaillée dans la publication la plus récente du Comité français d’études et de développement de la fertilisation raisonnée (Comifer). Le contrôle réglementaire des doses calculées passe ainsi par la vérification de la conformité des équations utilisées par les outils de calcul à la norme Comifer.
Un label volontaire existe pour valider cette conformité : Prev’N. Les méthodes et paramètres de référence sont indiqués dans les arrêtés des GREN.
Pour votre information, le logiciel Geofolia intègre déjà un calculateur de type « Méthode du bilan », avec des variations selon les régions, les cultures et le cahier des charges Arvalis. Geofolia fait partie des outils parmi les plus utilisés en France par les coopératives, les négoces et les centres de gestion, en vue d’établir le plan de fumure de leur client. Il est bien sur conforme à la réglementation Comifer.
Pour votre information, le logiciel Geofolia intègre déjà un calculateur de type « Méthode du bilan », avec des variations selon les régions, les cultures et le cahier des charges Arvalis. Geofolia fait partie des outils parmi les plus utilisés en France par les coopératives, les négoces et les centres de gestion, en vue d’établir le plan de fumure de leur client. Il est bien sur conforme à la réglementation Comifer.
Les outils et logiciels de traçabilité pour faciliter la création du PPF
Étant donné la complexité du calcul et le nombre d’informations à réunir pour réaliser votre PPF, l’usage d’outils de traçabilité au niveau des parcelles représente un vrai gain de temps. Un outil de suivi connecté comme Spotifarm, avec sa liaison Geofolia, permet de mieux appréhender les besoins de chaque culture en fonction de leurs besoins et de l’hétérogénéité des sols.
Les deux outils sont complémentaires. Spotifarm est un outil de pilotage de la fertilisation azotée qui vous aide à apporter la bonne dose, au bon endroit, en fonction des besoins réels de la plante et du sol. Geofolia est quant à lui un outil qui permet de réaliser le calcul et l’élaboration du PPF. Les cartes de modulation parcellaire générées par l’outil offrent de nombreux avantages, parmi lesquels la possibilité de réaliser des économies sur votre fertilisation : entre 15 et 30 €/ha.
Le cas du dépassement de la dose totale prévisionnelle
En cas de dépassement de la dose totale prévisionnelle d'azote, l’arrêté du 30 janvier 2023, modifiant l'arrêté du 19 décembre 2011 relatif au programme d'actions national à mettre en œuvre dans les zones vulnérables, stipule que cet excès doit être justifié par des moyens appropriés.
Plus précisément, il est nécessaire d'utiliser un outil de raisonnement dynamique ou un outil de pilotage de la fertilisation pour prouver que la quantité d'azote absorbée par la culture est supérieure à celle qui était initialement prévue. Aussi, si un accident cultural survient après le calcul de la dose, une description détaillée des événements (incluant la nature et la date) doit être consignée dans le cahier d'enregistrement. Les exploitants doivent également conserver tous les justificatifs en cas de contrôle.
Les documents obligatoires pour être en conformité après le PPF
Le plan de fumure concerne les fertilisations prévues avant la campagne. À la suite de la campagne qui tient compte du calendrier d’interdiction d’épandage, vous aurez également besoin de constituer le Cahier d’Enregistrement des Pratiques (CEP) réalisées, parfois appelé le cahier d’épandage, et utile dans le cadre des aides PAC.
Comment tenir un cahier d'enregistrement pour le suivi du PPF ?
Le CEP se présente sous forme de tableau synthétique qui permet de :
- renseigner les apports de fertilisants organiques et minéraux effectivement épandus
- consigner les différences entre le PPF et ce qui a été réalisé
- faire la liste des engrais azotés ou autres éléments (P, K, Ca, Mg…) épandus*
Vous devrez donc y faire paraître des informations sur la parcelle, la culture précédente, l’interculture (CIPAN, dérobée, repousses…) le semis, ainsi que les engrais minéraux et amendements organiques apportés, y compris pendant l'interculture.
*Par ailleurs, le 7° PAN (Programme d’Actions National) demande des éléments complémentaires sur les pratiques culturales, nécessaire pour le contrôle de certaines dérogations (« type de conduite » dans l’assolement Geofolia).
Annexe sur le transfert d'effluents d'élevage
Le cas échéant, vous devrez également produire des documents annexes, notamment pour justifier des épandages chez vous par des tiers et inversement, ou pour le stockage. En fonction de la situation, le document va comprendre les informations suivantes :
Situation | Pour les exploitations d'élevage | En cas d'épandage chez des tiers d’effluent d'élevage | En cas de transfert d'effluent d'élevage | En cas de stockage ou compostage d'effluent d'élevage au champ |
Informations principales |
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Éléments complémentaires |
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