La septoriose du blé : symptômes, traitements et conseils
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La septoriose du blé, causée majoritairement par le champignon Zymoseptoria tritici, est à ce jour la maladie foliaire la plus dévastatrice pour les cultures de blé en Europe. Elle représente à elle seule jusqu’à 70 % de l’usage annuel de fongicides dans l’Union européenne. Dans les cas les plus sévères, les pertes de rendement peuvent atteindre 50 % sur les variétés sensibles non traitées. Ce guide complet présente tout ce que les céréaliers doivent savoir sur cette maladie : cycle de vie, symptômes, leviers agronomiques et chimiques, OAD disponibles…
Qu'est-ce que la septoriose du blé ?
La septoriose du blé (Septoria tritici blotch (STB) en anglais) est la principale maladie fongique des cultures de blé en Europe. En France, elle constitue la pression pathogène dominante sur les 5 millions d’hectares de blé, justifiant à elle seule plus de deux traitements fongicides en moyenne par saison.
Elle se manifeste chaque année, avec une intensité variable selon les conditions climatiques, mais reste omniprésente sur l’ensemble du territoire. Les parcelles les plus touchées se situent en zones océaniques, notamment dans le Nord et l’Ouest du pays.
La septoriose du blé est causée par un complexe de champignons, dont les principaux agents sont :
- Zymoseptoria tritici (ex-Septoria tritici) : pathogène largement dominant sur blé tendre, présent partout où le blé est cultivé, de loin le plus problématique ;
- Parastagonospora nodorum (ex-Stagonospora nodorum) : majoritaire sur blé tendre jusqu’aux années 1970-80, subsiste surtout sur blé dur et triticale, notamment dans le sud et le sud-est de la France.
Les dégâts de la septoriose sur les cultures de blé
La septoriose du blé est aujourd’hui la maladie foliaire la plus nuisible sur blé tendre en France, du fait de sa fréquence annuelle et des pertes économiques associées. La sévérité des attaques dépend fortement de deux paramètres :
- la sensibilité variétale d’une part ;
- les conditions climatiques de l’autre, en particulier les épisodes pluvieux qui favorisent la dissémination du champignon.
Sur les variétés les plus sensibles, les pertes de rendement peuvent atteindre jusqu’à 40 % lors d’attaques sévères non contrôlées. En moyenne, la nuisibilité de la maladie est estimée à 17 quintaux par hectare au niveau national, 20 qx/ha dans le Nord-Pas-de-Calais. Dans les situations les plus exposées, ce chiffre peut grimper à 50 qx/ha.
Cycle de vie des pathogènes de la septoriose
Zymoseptoria tritici
Le cycle de vie de Z. tritici alterne des phases de reproduction sexuée (forme Mycosphaerella graminicola) et asexuée (Z. tritici). Le pathogène est hémibiotrophe : il commence par vivre discrètement dans la feuille (phase biotrophe), puis provoque la nécrose des tissus infectés (phase nécrotrophe), afin d’assurer sa dissémination.
La contamination débute à l’automne, à partir des résidus de culture infectés. Le champignon libère des ascospores par des périthèces, transportées par le vent sur de longues distances. En conditions humides, ces spores pénètrent les feuilles via les stomates des plantes. S’en suit une phase d’incubation invisible, pouvant durer jusqu’à 3 semaines. Z. tritici produit des protéines spécifiques (ex : Mg3LysM) qui bloquent la reconnaissance du champignon par le blé.
Puis, des nécroses foliaires apparaissent, souvent parallèles aux nervures. Elles abritent des pycnides, structures contenant des milliers de pycnidiospores.
Au printemps, ces spores sont projetées par les gouttes de pluie. Elles infectent les étages foliaires supérieurs ou les plantes voisines. Ce phénomène appelé « splash épidémique » constitue la phase secondaire de l’infection. La maladie progresse ainsi de bas en haut dans la canopée.
L’arsenal de gènes de virulence redondants permet au champignon de contourner des résistances génétiques simples ou des fongicides mal utilisés. Seules les variétés de blé capables de détecter précocement ses effecteurs peuvent bloquer l’infection à l’entrée, en refermant leurs stomates avant l’invasion.
Parastagonospora nodorum
Contrairement à Z. tritici, Parastagonospora nodorum ne présente pas de phase biotrophe. C’est un pathogène nécrotrophe strict : il tue activement les cellules du blé pour se nourrir des tissus morts. Le cycle de P. nodorum est polycyclique, combinant reproduction sexuée (forme Phaeosphaeria nodorum) et asexuée.
Le pathogène survit à l’automne dans les résidus de culture (tiges, feuilles, glumes) où il forme des pseudothèces (structures sexuées) et des pycnides (structures asexuées). Ces structures peuvent persister jusqu’à 3 ans dans le sol, constituant un inoculum primaire durable.
Au printemps, sous conditions chaudes et humides, ces structures libèrent des ascospores dans l’air. Les spores germent à la surface des feuilles des jeunes plants de blé. Elles libèrent des filaments infectieux qui pénètrent directement par les stomates ou entre les cellules de l’épiderme. Le mycélium progresse de manière intercellulaire, tout d’abord dans l’épiderme, puis dans le mésophylle, tout en échappant temporairement aux défenses de la plante.
Le pathogène sécrète alors des effecteurs nécrotrophes qui ciblent des gènes de susceptibilité du blé et déclenchent une mort cellulaire programmée (PCD). Certaines de ces toxines possèdent aussi d’autres fonctions : protection contre les enzymes de défense du blé, ou aide à la colonisation des tissus internes avant que les symptômes n’apparaissent.
Dans les lésions nécrosées se forment des pycnides contenant des conidies. Ces spores sont ensuite dispersées localement par la pluie, ce qui déclenche des infections secondaires successives sur les étages foliaires supérieurs. L’infection du dernier feuillage (la feuille drapeau) est la plus préjudiciable en termes de pertes de rendement.
À la fin du cycle, le champignon colonise les feuilles et tiges sénescentes, où il produit à nouveau des pycnides, puis des pseudothèces, afin d’assurer sa survie intersaisonnière.
Facteurs favorisant le développement de la maladie
Le développement de la septoriose du blé est fortement conditionné par l’environnement climatique des parcelles. Voici les situations les plus favorables à une épidémie de septoriose :
- température entre 2°C et 30°C, avec un optimum autour de 22°C ;
- humidité relative supérieure à 80 %, notamment après pluies ou rosées prolongées ;
- temps couvert et humide persistant plus de 48 heures ;
- fréquence et intensité des pluies éclaboussantes dès la montaison (dissémination verticale et horizontale) ;
- printemps doux et humide, période critique pour les infections secondaires ;
- présence prolongée d’humidité foliaire nocturne (rosée), souvent sous-estimée.
Certains choix techniques au champ influencent également la dynamique de l’épidémie. Le tableau suivant résume les principaux facteurs de risque identifiés :
Symptômes de la septoriose sur le blé et diagnostic
La maladie s’observe généralement entre les stades redressement / début montaison et floraison, avec un pic de risque entre le deuxième nœud et l’épiaison. Les premières lésions peuvent apparaître à l’automne, mais les contaminations les plus intenses surviennent au printemps, sous l’effet combiné de la pluie et de températures douces. Voici les principaux symptômes à surveiller sur le terrain :
Symptômes précoces : Petites taches chlorotiques (jaunâtres) sur les feuilles.
Taches caractéristiques :
- Forme : ovales, rectangulaires, allongées dans l’axe des nervures.
- Couleur : brun clair à foncé, parfois blanches, souvent bordées d’un halo jaune.
- Localisation : éparses, visibles sur les deux faces du limbe.
Fusion des lésions : Les taches se coalisent en plages nécrotiques irrégulières.
Fructifications :
- Présence de pycnides (points noirs bien visibles) dans les zones nécrosées.
- Pycnidiospores expulsées sous forme de cirrhe gélatineux.
Observation terrain : Cirrhes visibles tôt le matin avec une loupe de poche, ou après 24–48 heures en chambre humide.
Organes touchés :
- Principalement les feuilles.
- La feuille drapeau est la plus critique en termes d’impact sur le rendement.
Symptômes sur épis :
- Absents pour Z. tritici.
- Quelques atteintes possibles avec coloration violacée sur la partie supérieure des glumes en cas extrême avec P. nodorum.
Attaques sur les semences de blé : un cas rare
Contrairement à d’autres pathogènes du blé, la septoriose ne constitue qu’un risque très marginal sur les semences. Les contaminations avérées sont rares et concernent exclusivement P. nodorum, pas Z. tritici.
La faible fréquence d’infection des épis par P. nodorum, même lors de fortes attaques foliaires, limite naturellement la transmission aux graines. De plus, les semences sont systématiquement soumises à des traitements fongicides efficaces, ce qui renforce la protection en amont.
Les symptômes observés sur semences ou sur plantules sont généralement les suivants :
- coléoptile enroulé, court, parfois déformé
- jaunissement généralisé de la plantule
- présence de taches ovoïdes sur jeunes pousses
- fonte de semis ponctuelle, pouvant entraîner des manques à la levée
- racines généralement saines, absence de pourritures racinaires
Ces symptômes peuvent toutefois être confondus avec des problèmes de qualité de semence, de stress thermique ou d’autres champignons de semis. En cas de doute, faites analyser le lot suspect par un laboratoire spécialisé en biologie ou en biologie moléculaire.
Ne pas confondre avec d’autres maladies du blé
Le diagnostic de la septoriose du blé peut s’avérer délicat, surtout dans les premiers stades de l’infection ou en conditions climatiques atypiques. Plusieurs maladies ou désordres physiologiques peuvent engendrer des lésions visuellement proches. La présence ou non de pycnides, signature biologique de Z. tritici, est généralement la clé de confirmation du diagnostic.
Voici les principales confusions possibles et les critères pour les éviter :
Leviers agronomiques contre la septoriose en blé
Avec la variabilité génétique du champignon et l’apparition de résistances aux matières actives, les pratiques agronomiques demeurent le principal levier d’action à considérer face à la septoriose du blé. Cinq axes sont à prévoir :
- le choix variétal
- la date de semis
- le travail du sol
- la rotation des cultures
- la densité de semis
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Levier 1 : le choix variétal
Le choix de la variété est la technique la plus efficace et la plus sûre pour réduire la nuisibilité de la septoriose. Certaines variétés de blé sont capables de détecter les effecteurs du champignon Z. tritici dès l'entrée dans la plante, ce qui déclenche une réponse immunitaire rapide. Cela empêche l'infection via les stomates, principal point d’entrée du pathogène.
Cependant, cette résistance n’est pas définitive : les gènes de virulence redondants de Z. tritici permettent des contournements progressifs. Il est donc recommandé d’ajuster la stratégie variétale à chaque campagne.
L’association entre le pédoclimat local et la sensibilité de la variété permet d’anticiper la nuisibilité attendue. En zones à faible pression (ex. Grand Est), une variété peu sensible permet même de limiter le recours aux fongicides ou d’introduire des produits de biocontrôle.
Levier 2 : la date de semis
Un semis tardif, notamment en novembre, ralentit le développement foliaire et réduit la durée d’exposition aux contaminations précoces. En revanche, les semis précoces favorisent l’émergence rapide des premières attaques, souvent plus difficiles à contenir ensuite.
Le climat restant un facteur d’interaction fort, l’efficacité de ce levier varie d’une année sur l’autre. Il doit donc être combiné à une surveillance météo locale à l’aide de votre application Météus (avec ou sans station sur le terrain) et à un pilotage dynamique.
Levier 3 : le travail du sol et la rotation
Le travail du sol et la gestion des résidus de culture jouent un rôle modéré dans la maîtrise de la septoriose. Contrairement à des maladies de type piétin verse(lien vers article piétin verse), l’inoculum parcellaire n’est pas le facteur limitant de cette pathologie. L’effet de l’enfouissement est donc secondaire, mais peut être intéressant dans une stratégie globale sur blé sur blé.
Levier 4 : la rotation des cultures
Les agroécosystèmes à faible diversité d'espèces mais à densité élevée de plantes génétiquement uniformes favorisent l'émergence rapide de pathogènes spécialisés. Changer de culture (orge, maïs, colza, etc.) aide à interrompre le cycle de vie de Z. tritici, car il n’a plus d’hôte pour survivre et se reproduire.
Rappelons par contre que les pycnides de P. nodorum peuvent persister jusqu’à 3 ans dans le sol.
Levier 5 : la densité de semis
En revanche, la densité de semis est un facteur de modulation du microclimat. Un couvert trop dense favorisera l’humidité interne, ralentira le séchage et augmentera les contacts foliaires, ce qui peut amplifier l’épidémie si le printemps est pluvieux.
Levier bonus : le biocontrôle et la biostimulation
Avant même de penser à la protection fongicide, considérez l’usage de solutions de biocontrôle et/ou de biostimulation, à base de soufre, de phosphonate de potassium, de bactéries lactiques ou encore d’extraits d’algues, qui semblent montrer de bons résultats selon certains essais. Ceux-ci visent à la stimulation des défenses immunitaires ou du métabolisme des cultures.
Protection phytosanitaire contre la septoriose
Le positionnement optimal d’un fongicide s’effectue avant l’apparition visible des symptômes, sur feuilles encore vertes, en s’appuyant sur les conditions climatiques, les observations terrain et les outils d’aide à la décision.
La protection est déclenchée à partir du stade 2 nœuds, selon la quantité et l’intensité des pluies à la montaison, principal facteur de déclenchement de l’épidémie. Les seuils d’intervention recommandés sont les suivants :
- À partir du stade 2 nœuds : observer la F2 (en ne comptant que les feuilles déployées) sur 20 plantes ;
- À partir de la dernière feuille pointante : observer la F3 ;
- Variétés sensibles : traitement avant les prochaines pluies si > 20 % des feuilles observées sont touchées ;
- Variétés peu sensibles : traitement avant les prochaines pluies à partir de 50 % de feuilles atteintes.
Le pilotage repose sur la combinaison :
- des bulletins de santé du végétal (BSV) ;
- de l’observation directe de la parcelle ;
- des modèles prédictifs comme Septo-LIS®(https://blog-ecophytohautsdefrance.fr/wp-content/uploads/2015/12/Modèle-Septolis.pdf) ou Positif® New ;
- du baromètre maladies ARVALIS(https://barometre-maladies.arvalis-infos.fr/bletendre/).
Dans tous les cas, il est indispensable de limiter le nombre de traitements, de varier les modes d’action, et de suivre les recommandations officielles (INRAE, ANSES, ARVALIS) pour freiner l’émergence de résistances et maintenir l’efficacité des solutions disponibles.
Produits fongicides envisageables contre la septoriose
Raisonner la lutte avec l’OAD Geofolia
Anticiper les bons moments d’intervention, limiter les traitements inutiles, sécuriser les rendements : tels sont les objectifs de l’OAD Geofolia, développé en partenariat avec ARVALIS – Institut du végétal. Ce module intelligent est conçu pour modéliser en temps réel les dynamiques épidémiques de la septoriose, à partir de vos données culturales et météorologiques locales.
En s’appuyant sur une station météo connectée comme Météus, Geofolia OAD analyse en continu :
- les stades phénologiques de la culture (via vos enregistrements ou par prévision)
- la météo mesurée (pluie, humidité, température, durée de mouillure)
- les seuils de risque calculés pour la septoriose (issus des travaux ARVALIS)
Geofolia OAD n’est pas un outil théorique : c’est un copilote agronomique qui s’adapte à vos pratiques et à vos conditions locales. Grâce à son interface claire et fluide, il s’intègre naturellement dans votre routine de suivi parcellaire, sans complexifier votre gestion, et vous offre de nombreux avantages :
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