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Cerealier

La rouille brune du blé : symptômes, traitements et conseils

Écrit par  Adélaïde GREHAN
Publié le 25 juillet 2025
8 min. de lecture

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Printemps doux, humidité persistante : la rouille brune du blé n’attend pas pour s’installer. Provoquée par Puccinia triticina, cette maladie fongique se développe rapidement et peut compromettre jusqu’à 50 % du rendement si elle n’est pas maîtrisée à temps. Ce guide vous aide à reconnaître les premiers symptômes, à comprendre le cycle de vie du pathogène et à activer les bons leviers agronomiques ou phytosanitaires pour protéger vos céréales à paille.

Qu'est-ce que la rouille brune du blé?

La rouille brune du blé (Wheat leaf rust en anglais) est une maladie fongique provoquée par Puccinia triticina (anciennement Puccinia recondita), un champignon biotrophe qui parasite les tissus vivants du blé. Ce pathogène fait partie de la famille des Pucciniaceae, qui comprend de nombreuses rouilles affectant les céréales. C’est la rouille la plus courante observée sur blé en France et dans le monde.

Elle touche principalement le blé tendre (Triticum aestivum), mais peut également infecter le blé dur, le triticale, ainsi que certains proches parents sauvages du blé. Cette maladie se manifeste principalement sur les feuilles, sous forme de pustules rouge-orangé visibles sur la face supérieure des limbes.

Ces lésions contiennent des milliers de spores qui sont disséminées par le vent, entraînant une propagation rapide au sein de la parcelle. En France, les régions du Sud-Ouest et du Sud-Est, aux climats plus doux et humides, sont particulièrement propices à son développement.

Puccinia triticina possède un cycle de vie complet à cinq types de spores :

  • les urédospores (responsables de la propagation épidémique) ;
  • les téliospores (survie hivernale) ;
  • les basidiospores, pycnospores et éciospores (reproduction sexuée via un hôte alternatif, souvent une plante de la famille des Renonculacées comme Thalictrum speciosissimum).

En Europe occidentale, la présence de l’hôte alternatif est rare, ce qui limite fortement la reproduction sexuée du champignon. Les populations européennes de rouille brune sont donc clonales, ce qui signifie que les épidémies reposent sur la reproduction asexuée et les mutations spontanées.

 

rouille brune

Les dégâts de la rouille brune du blé sur votre culture

Les dégâts de la rouille brune se traduisent par une perte importante de la surface foliaire et une perte de qualité des grains.

Si correctement contrôlée, cette maladie fongique est relativement facile à maîtriser. Mais elle peut s’avérer très nuisible économiquement lorsqu’elle échappe à la surveillance. Si les pertes moyennes de rendement sont estimées autour de 15 %, une attaque sévère peut entraîner des chutes de productivité allant jusqu’à 50 %, soit autour de 35 qx/ha.

Moins fréquente que la septoriose, la rouille brune possède tout de même un potentiel explosif : sa propagation rapide par le vent et sa capacité à infecter massivement les feuilles augmentent sa dangerosité dès que les conditions climatiques sont réunies.

Elle touche aussi bien le blé tendre que le blé dur, mais selon des souches spécifiques à chaque espèce. Ainsi, une parcelle de blé tendre peut être gravement atteinte tandis que celle de blé dur, à proximité, reste indemne – et inversement.

Cycle de vie de Puccinia triticina et facteurs de risque

En France, le champignon responsable de la rouille brune se développe par reproduction asexuée (clonage), via un cycle simplifié centré sur le blé comme seul hôte. Contrairement à d'autres régions du monde, l’absence de plantes hôtes alternatives (Thalictrum, etc.) empêche le cycle sexué, ce qui limite la diversité génétique, mais permet une reproduction rapide et efficace pendant la saison culturale.

Le cycle de contamination débute lorsque des urédospores, transportées par le vent (jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres), se déposent sur la surface des feuilles du blé. En présence d’humidité (rosée, pluie légère), ces spores germent rapidement :

  1. Germination : l’urédospore développe un tube germinatif qui localise un stomate (pore naturel de la feuille) pour y pénétrer.
  2. Infection et colonisation : une fois à l’intérieur, le champignon forme un haustorium, organe qui puise les nutriments directement dans la cellule. Cela crée une interface d’échange entre le champignon et la cellule hôte. L’haustorium injecte des effecteurs moléculaires pour détourner le métabolisme de la plante à son profit, tout en échappant à ses défenses naturelles.
  3. Sporulation : après quelques jours, l’infection se manifeste visuellement par des lésions appelées urédinies, les fameuses petites pustules orange-rouille à la surface des feuilles. Ces urédinies libèrent des milliers de nouvelles spores, prêtes à infecter les plantes voisines.

Dans des conditions favorables — temps doux (10 à 25 °C) et humide (> 95 %) — ce cycle complet, de la germination à la production de nouvelles spores, peut s’accomplir en seulement 10 jours. Cela rend la maladie extrêmement dynamique et capable de se propager très rapidement dans une parcelle.

En général, la maladie se développe surtout de la mi-été à la fin de l’été, avec l’association vent sec (transport des spores) et nuits fraîches suivies de rosée (6 à 12 heures).

Risques parcellaires et climatiques

La rouille brune du blé est une maladie fortement dépendante des conditions agronomiques et climatiques locales. La pression épidémique dans une parcelle varie en fonction de la variété cultivée, de la gestion des cultures et des conditions climatiques. 

Facteur
Niveau de risque
Explication
Recommandations
Sensibilité variétale
+++
Certaines variétés sont très sensibles. Le champignon évolue vite et peut contourner les résistances spécifiques (gènes Lr : Leaf rust resistance)
Choisir des variétés tolérantes ou avec résistance partielle (gènes Lr : Lr34, Lr46). Suivre les notations ARVALIS.
Fertilisation azotée
++
Un excès d’azote favorise un couvert dense et humide, favorable à l’infection, et rend la plante plus sensible.
Adapter les apports à l’objectif de rendement. / Éviter les excès, notamment en sortie d’hiver.
Date de semis
++
Les semis précoces laissent plus de temps au champignon pour multiplier les cycles d’infection avant l’hiver.
Privilégier des semis tardifs (fin octobre / début novembre) en zone à risque.
Températures douces
++
Les débuts d’année (janvier) doux et humides peuvent servir de pied de cuve pour le printemps.
Anticiper le risque avec un suivi météo, surtout en cas de températures élevées en avril – mai. Intervenir tôt si conditions favorables.
Pluviométrie / rosées fréquentes
++
L’humidité sur les feuilles est indispensable à la germination des spores. Les rosées matinales prolongées sont particulièrement propices.
Surveiller attentivement les parcelles dans les secteurs humides ou après pluie douce répétée.
Présence de repousses
+
Les repousses de blé issues des graines tombées à la moisson peuvent héberger le champignon qui y reste actif sous forme de mycélium ou d’urédospores viables, jusqu’à la prochaine saison de culture.
Détruire les repousses après la moisson (faux semis, broyage, travail du sol léger si nécessaire). Surtout si la période estivale a été pluvieuse.

 

Identifier la rouille brune : symptômes et diagnostic

La rouille brune se manifeste d’abord sur les feuilles, entre les stades dernière feuille pointante et épiaison, mais peut apparaître plus tôt (stade 2 nœuds, voire 3 feuilles) dans les cas d’hiver doux et de semis précoces. Les symptômes sont le plus souvent diffus et homogènes dans la parcelle, en raison de la dissémination des spores par le vent.

Les principaux symptômes à surveiller sont les pustules brun-orangé, de 0,5 à 1 mm, visibles surtout sur la face supérieure des feuilles. Ces lésions provoquent des zones de chlorose (jaunissement) autour des pustules. Ces pustules contiennent une poudre brune (urédospores), qui colore les doigts au toucher. L'épiderme foliaire est littéralement percé par les pustules, ce qui affaiblit la plante.

En cas de pression élevée, la maladie progresse vers les gaines foliaires, les tiges et jusqu’aux épis : glumes et barbes peuvent présenter des pustules en fin de cycle.

À un stade très avancé ou en fin d’épidémie, on observe des pustules noires (téleutospores) sur la face inférieure des feuilles. Celles-ci marquent le début de la phase sexuée, généralement sans conséquence épidémiologique en France, mais signalent que la plante a subi une forte pression fongique.

Ne pas confondre avec la rouille jaune

La rouille brune peut facilement être confondue avec la rouille jaune (Puccinia striiformis ) en début d’infection. Leur biologie, leur apparence et leur répartition au champ diffèrent toutefois.

Critère
Column 1
Column 2
Répartition dans la parcelle
En foyers localisés(ronds jaunes bien visibles)
Répartition homogène dans tout le champ
Couleur des pustules
Jaune à jaune-orangée
Orange à brun-rouge
Disposition sur la feuille
Alignées entre les nervures (stries régulières)
Réparties de façon diffuse et aléatoire

 

Leviers agronomiques contre la rouille brune du blé

Avant de parler traitement, la gestion de la rouille brune commence par l’utilisation de leviers en vue de limiter la pression de Puccinia triticina. Ces leviers visent à réduire l’inoculum, ralentir les cycles infectieux et protéger les variétés sensibles au moment critique :

  • Choisir des variétés peu sensibles : les variétés résistantes ou peu sensibles limitent la vitesse de développement de la maladie et réduisent les pertes potentielles.
  • Adapter la densité et la fertilisation : un couvert trop dense crée un microclimat favorable à l’infection (humidité, stagnation d’air dans la canopée). Penser à fractionner les apports.
  • Surveiller dès la sortie d’hiver : les variétés sensibles doivent être observées attentivement dès la montaison, période propice à la première contamination active.
  • Alterner les cultures : la rotation avec des espèces non hôtes (colza, pois, tournesol…) casse le cycle de la maladie et réduit la quantité de spores en parcelle.
  • Retarder les semis en zone à risque : les semis précoces favorisent l'installation précoce de l’inoculum. Semer à la fin octobre (après le 25/10) ou au début de novembre en zone à risque réduit les cycles d’infection avant l’hiver.
  • Enfouir les résidus de culture : le labour ou le déchaumage permet d’incorporer les chaumes contaminés et d’interrompre le cycle du champignon.
  • Détruire les repousses de céréales : les repousses issues de la moisson peuvent abriter le champignon et constituer un réservoir d’urédospores en intersaison.

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Protection phytosanitaire contre Puccinia triticina

La protection chimique contre la rouille brune est généralement commune à celle contre la septoriose(lien vers l’article septoriose blé). Elle repose sur des fongicides à mode d’action systémique, utilisés de manière préventive dès les premières alertes communiquées dans le Bulletin de santé du végétal (BSV).

La couverture contre les attaques sera assurée avec une base triazole efficace, renforcée par une strobilurine (pyraclostrobine, picoxystrobine ou azoxystrobine), voire un SDHI (optionnel selon le contexte).

Le moment d’intervention est déterminant :

  • surveiller à partir du stade 2 nœuds et jusqu’à dernière feuille étalée ;
  • observer 20 plantes représentatives dans la parcelle ;
  • déclencher le traitement dès l’apparition de pustules brunes ou orangées sur l’une des trois feuilles supérieures ;
  • renforcer la vigilance sur les variétés sensibles et si vous êtes situé dans le Sud de la France, où les conditions climatiques (chaleur + humidité) sont plus favorables à la maladie.

Pour le suivi de l’indice de risque de rouille brune, vous pouvez aussi utiliser le modèle épidémiologique SPIROUIL.

Les cas de résistance de Puccinia triticina aux fongicides

Sur le plan de la résistance, le champignon ne présente pas de résistance généralisée aux familles de fongicides utilisées. Cependant, des isolats ponctuels moins sensibles aux SDHI ont été détectés sur le territoire. Des essais menés en 2022 ont pu montrer des baisses d’efficacité (−30 à −50 %) de molécules comme le benzovindiflupyr, notamment dans le sud du pays.

Ces évolutions soulignent l’importance de raisonner les mélanges de substances actives, en associant toujours les SDHI à un triazole ou à une strobilurine pour préserver leur efficacité.

Vous pouvez vous référer à la note commune INRA–ANSES–ARVALIS, document de référence pour la gestion fongicide sur céréales à paille qui intègre les retours terrain, les niveaux de sensibilité régionaux et les stratégies à adopter pour limiter l’émergence de souches résistantes

Raisonner la lutte avec l’OAD Geofolia

La lutte contre la rouille brune exige une anticipation fine du risque épidémique, et notamment par l’observation des conditions climatiques locales. L’OAD Geofolia, développé par ISAGRI en partenariat avec ARVALIS – Institut du végétal, vous permet de maîtriser ce volet en temps réel. Cet outil combine plusieurs sources d’information essentielles à la surveillance de vos parcelles pour générer une analyse agrégée du risque sanitaire :

  • vos données météo ultra-localisées (issues de votre station connectée Météus) ;
  • les stades de développement de vos cultures ;
  • la sensibilité variétale et l’historique sanitaire de vos parcelles.

En plus de vos observations terrain, vous obtenez ainsi, directement sur votre smartphone grâce à l’application dédiée :

  • une carte de pression sanitaire en temps réel, pour savoir où et quand agir ;
  • une alerte automatique si un seuil d’intervention est atteint ;
  • une recommandation de traitement au bon moment, pour éviter les erreurs de positionnement.

Les retours d’utilisation de l’OAD Geofolia sont unanimes :

  • jusqu’à -20 % d’IFT en supprimant les traitements inutiles ;
  • économies moyennes de 25 à 35 €/ha, en particulier lors des campagnes à pression modérée ;
  • amélioration de l’efficacité des produits par un ciblage précis ;
  • traçabilité automatisée des interventions, conforme à la réglementation.

Pour aller plus loin

Article

Guide complet sur les maladies du blé en France