Irrigation des pommes de terre : comment bien la piloter ?
Sommaire
Vous projetez d’acquérir un dispositif d’irrigation ou vous cherchez à mieux piloter votre gestion de l’eau dans le cadre de la production de pomme de terre. Découvrez dans ce dossier tout ce qu’il faut savoir sur le sujet : besoins de la culture, matériels existants, pilotage en cours de saison, enjeux liés au climat et à la pression sociale pour une meilleure utilisation des ressources…
Sommaire :
Les besoins en eau de la pomme de terre
Les techniques d'irrigation de la pomme de terre
Pilotage de l'irrigation pour un rendement optimal
Les besoins en eau de la pomme de terre
La pomme de terre est une culture exigeante en eau. Son système racinaire, important mais peu profond (jusqu’à 60 cm), rend la plante sensible à la sécheresse. Il est donc essentiel d’assurer un apport en eau suffisant lors des phases de floraison, de stolonisation et de tubérisation. Dans le même temps, il devient indispensable de bien gérer la ressource en eau pour éviter les pertes, tout en tenant compte de l’état des dérogations et du taux de remplissage des nappes phréatiques.
Les besoins de la pomme de terre pour une saison complète en France sont les suivants :
• entre 350 et 450 mm au total
• 3 à 4 mm / jour avant la tubérisation
• 5 à 6 mm / jour après la formation des tubercules
• 30 à 50 % de taux d’humidité minimum dans le sol pour optimiser la production
La régularité de l’apport en eau est un critère essentiel pour le bon développement de la plantation. C'est en période de maturation (juin, juillet, août) que la sécheresse devient problématique.
Les 4 stades clés de la croissance
Concernant les besoins hydriques de la pomme de terre, 4 stades sont à mémoriser :
• le stade levée (20 à 30 jours) : 50 % des plantes de la parcelle ont 3 feuilles
• le stade initiation de la tubérisation, d’autant plus en pomme de terre plant (50 à 60 jours) : 50 % des stolons avec tubercule ayant 2 fois le diamètre du stolon
• le stade fermeture des rangs (85 à 120 jours) : le feuillage recouvre la terre
• le stade sénescence (85 à 130 jours) : le feuillage vire du vert au marron
Le calendrier d’irrigation varie en fonction de la variété et de la destination de la récolte (voir ci-après « Prise en compte des stades de culture »).
Les facteurs influençant les besoins en eau
Les besoins en eau nécessaires dépendent de plusieurs facteurs :
• le type de sol : de sa structure dépend une rétention d’eau plus ou moins importante
• la variété : Auréa, Caesar ou Magnum moins sensibles que Lady Claire ou Innovator
• la date de maturité du cultivar : précoce, tardive, primeur…
• la densité des plants
• le taux de fertilisation : influence le cycle végétatif de la pomme de terre (excès = allongement de la durée du cycle, carence = raccourcissement)
• les conditions climatiques : année sèche ou pluvieuse, remplissage des sols
• les pratiques culturales : préparation du terrain, ajustement de la profondeur de plantation
La nature du sol est un critère majeur. Les terrains sableux requièrent davantage d’eau que les terres crayeuses ou argileuses. Cependant, un excès d’eau entraîne aussi des risques de maladie (comme le mildiou), de lessivage de l’azote et d’érosion. Et pour éviter un gaspillage et des coûts supplémentaires de pompage, il est donc nécessaire d’opter pour la bonne technique.
Les techniques d'irrigation en pommes de terre
Il existe 3 grandes familles de systèmes d'irrigation sur le marché : les modèles par aspersion, les modèles par goutte-à-goutte et l’irrigation de surface (non-adaptée ici).
Les systèmes par aspersion
3 systèmes par aspersion sont aujourd’hui à l’œuvre.
Le modèle par aspersion déplacé à la main est le plus économique et offre une distribution uniforme. Il requiert toutefois une main-d’œuvre importante pour le déplacement des conduites secondaires dans les parcelles et s’avère peu adapté aux très grandes cultures.
Les systèmes par aspersion mobile ou canon enrouleur représentent un investissement important, nécessitent peu de manutention et conviennent bien aux grands champs. Inconvénient : le vent a tendance à affecter la distribution.
Le dispositif autopropulsé à pivot central, avec ses longues travées montées sur roues, s’adapte aux champs circulaires et plats. Le dispositif est coûteux, mais il requiert peu de main-d'œuvre durant la saison.
Ces modèles sont les plus utilisés en France (près de 60 % du parc), du fait de leur fiabilité, d’un coût d’entretien modéré et d’une adaptabilité parcellaire reconnue. Toutefois, ils présentent une efficacité moyenne dans une logique d’économie des ressources. Voici quelques idées pour optimiser l’usage de ces matériels et faire des économies.
Les systèmes par goutte-à-goutte ou micro-aspersion
Là encore, 3 dispositifs sont à l’œuvre en agriculture.
La micro-aspersion comprend des gicleurs suspendus ou montés sur piquets. Cette solution est plus particulièrement adaptée aux pépinières.
Les systèmes par goutte-à-goutte de surface ou enterrés sont plus intéressants en culture de pomme de terre. Bien qu’onéreux à l’installation le long des rangs ou à l’enterrement (autour de 5500 à 6500 €/ha), ces dispositifs, constitués de séries de canalisations, de goutteurs et de capteurs, sont :
• facilement automatisables
• économes en eau (-20 % par rapport à l’aspersion)
• peu gourmands en énergie
• non sensibles au vent
• compatibles avec la fertigation (apport d’éléments nutritifs par l’eau)
L’apport en eau cible directement le pied et les racines. L’aspersion est à la fois plus uniforme en restant limitée. Cela offre une grande efficacité tout en empêchant le risque de développement de maladie.
Vous souhaitez en savoir davantage sur les différents systèmes d’irrigation et leurs avantages ? Découvrez notre comparatif des techniques existantes en grandes cultures.
Pilotage de l'irrigation pour un rendement optimal
La phase de pilotage de l’irrigation, de son déclenchement jusqu’à son arrêt, repose sur 3 grandes étapes :
• l’évaluation de l’humidité des parcelles
• l’observation du stade de croissance
• la gestion des apports jusqu’au défanage
Les outils de suivi de l'état hydrique du sol
La décision du lancement de la campagne d’irrigation repose sur les mesures du dessèchement du sol, obtenues via 2 techniques : le bilan hydrique et la mesure de l’humidité du sol.
L’agriculteur peut d’abord s’appuyer sur le bilan hydrique pour évaluer l'équilibre entre les entrées et les sorties d'eau au niveau du sol. Pour estimer les besoins en eau selon la variété et donc la dose d’irrigation, il s’appuie sur :
• l'évapotranspiration potentielle (ETP) : donnée spatialisée ou mesurée par un capteur présent plus ou moins loin de la parcelle
• le coefficient cultural Kc : variable selon les phases de croissance
• la Réserve Facilement Utilisable (RFU) : eau retenue par le sol
L’irrigation est recommandée lorsque la réserve en eau facilement utilisable par la plante est en passe d’être épuisée, juste avant le stress. Sa planification doit tenir compte du tour d’eau-temps nécessaire pour arroser les plantations. Elle est également fonction de la surface à irriguer et du type de matériel d'irrigation sur place.
Pour davantage de précision, il est aussi possible de positionner des capteurs directement dans le sol comme des sondes tensiométriques ou capacitives (qui fournissent, dans le cas des capacitives, une donnée en mm d'eau.
La prise en compte des stades de culture
L’établissement du calendrier et le seuil de déclenchement diffèrent selon les variétés et la nature des sols.
Dans le cas des pommes de terre à chair ferme, il convient d’irriguer dès le « stade levée » (mi-mai à mi-juin). L’objectif est l’obtention d’un calibre homogène tout en évitant la régression des tubercules et l’apparition de la gale commune. Même stratégie pour les pommes de terre de consommation courante : l’irrigation favorise l’augmentation du nombre de tubercules.
Pour les pommes de terre de transformation, il faut plutôt viser le « stade initiation de la tubérisation ». Cela correspond au moment où le feuillage couvre la moitié du rang, au plus fort des besoins en eau.
Bonnes pratiques pour gérer son irrigation
Quelle que soit la technique employée, l’établissement en amont d’un calendrier est nécessaire. Pour la 1e phase d’irrigation, l’apport doit être limité (entre 15 et 20 mm) afin de ne pas endommager les buttes. Au canon par exemple, une pression de 5 bars pour une buse de 20 mm est suffisante afin d’éviter les très grosses gouttes.
Par la suite, l’objectif est de bien couvrir les besoins en eau jusqu’au défanage. Il faut adapter le dosage (autour de 30 mm/semaine) en tenant compte du climat et de la vitesse d’infiltration.
L’optimum pour arroser est le matin, au moment des températures plus fraîches. Les phases doivent être fréquentes, mais de courtes durée. L’usage de la fertigation (micro-aspersion) permet aussi d’apporter des éléments nutritifs de manière constante et maîtrisée.
L'arrêt du programme d'irrigation
La suspension de l’arrosage concorde avec la date prévue de défanage et la destination des pommes de terre.
• Pommes de terre de consommation : selon le rendement, les calibres et la teneur en matière sèche
• Pommes de terre à chair ferme : 4 à 8 jours avant le défanage (selon le climat)
• Variétés à lenticelles apparentes : 7 à 8 jours avant le défanage
• Pommes de terre de transformation : teneur en matière sèche élevée (20 à 25 %)
L'effet de l'irrigation sur la qualité des pommes de terre
L'irrigation en pomme de terre a un impact sur le calibre et le nombre des tubercules. Elle vise à réguler les rendements tout en limitant le stress hydrique. Son usage vise aussi à la réduction des risques biotiques (pathogènes, ravageurs). Notez toutefois que, si la pomme de terre est exigeante en eau, elle est également sensible à tout excès.
Impact sur le calibre et la régularité des tubercules
Un programme d’irrigation optimisé et adapté aux conditions culturales contribue à favoriser l’initiation des tubercules. Son utilisation tend à augmenter leur calibre et leur poids moyens, tout en uniformisant leur maturité. Cette stratégie doit être ajustée au cultivar, au type de sol et à la profondeur des racines.
Réduction des stress biotiques et abiotiques
En régulant l’apport en eau et le taux d’humidité au niveau racinaire, on souhaite limiter les défauts internes et externes liés aux à-coups de croissance. Cela participe notamment à prévenir l’apparition de la gale commune en pustule, par asphyxie des buttes. Le fait d’arroser réduit également les risques de fentes ou encore de cœurs creux. Cela aide enfin à retarder l’action du Verticillium spp (verticilliose) et des nématodes à kyste.
Attention à l'excès d'irrigation
L’irrigation excessive, notamment en phase de tubérisation et de grossissement, peut être nuisible (dartrose). En fin de saison, elle peut favoriser l’apparition de la gale poudreuse et de lenticelles. En cas de dispositif d’aspersion enterré, il faut aussi veiller au risque de fuite d’eau et de stagnation, ce qui pourrait entraîner l’apparition de maladies.
Les enjeux de l'irrigation pour l'avenir
Les réalités environnementales et économiques remettent sérieusement en question la rentabilité de l’arrosage systématique et demandent de repenser les pratiques. Si l’irrigation permet d’augmenter le rendement, les hausses de température, la récurrence des périodes sèches ou encore l’effet ciseau, avec l’augmentation des coûts (énergie, charges) et la fluctuation des prix des récoltes tendent à réduire les marges dégagées.
À cela s’ajoute la pression sociale des consommateurs. Ces derniers voient l’agriculture comme une utilisatrice bien trop gourmande en eau, mais restent exigeants sur la qualité des produits. Il est donc nécessaire de revoir les usages afin de préserver la ressource à tout prix.
Adaptation aux variétés de pommes de terre
Le choix variétal repose sur 5 points clés :
• la disponibilité des plants
• l’évapotranspiration de la plante (ETP)
• la sensibilité au mildiou
• les caractéristiques du tubercule (peau, taille, chair, forme, critères gustatifs, conservation)
• le débouché économique
Toutes les variétés sont sensibles à la sécheresse, mais dans différentes proportions. Marquise, Auréa, Caesar ou Magnum se comportent mieux que Lady Claire ou Innovator. Autre exemple : le type Charlotte requiert 1 200 m3/ha 8 ans sur 10, là où la Bintje demande 1 800 m3/ha. Le choix d’une variété tardive, dont le rendement est moins affecté par le manque d’eau, est une autre option.
Optimisation des systèmes d'irrigation pour économiser l'eau
Différentes pistes ont déjà été explorées en vue d’économiser la ressource. L’INRAE apporte de nombreuses réponses dans ce dossier pour irriguer autrement. Reconsidérer le recours systématique à l’irrigation est une autre option : cela doit dépendre des conditions climatiques. La Chambre d’agriculture du Centre-Val de Loire s’est également intéressée à la production de pomme de terre en cas de restrictions d’eau.
Côté matériel, il semble que le choix de la micro-aspersion soit particulièrement bien adapté à la culture pomme de terre. Le goutteurs placés au sommet de chaque butte (consommation), ou toutes les 2 buttes (transformation), augmentent l’efficacité du process. Cette efficacité est encore améliorée par la formation rapide du couvert végétal qui vient minimiser l’évaporation à la surface du terrain.
Enfin, l’utilisation d’outils agricoles de précision complémentaires, comme les stations météo connectées, apportent encore davantage d’informations pour votre prise de décision. Ils sont également une réponse à la demande des consommateurs qui s’inquiètent de la gestion des ressources et de l’environnement. L’outil Météus, complété de sondes capacitives (subvention France AgriMer jusqu’au 31 décembre 2023), vous aide à adapter vos apports en eau selon les besoins de la culture, un acte citoyen.
Pour aller plus loin dans votre projet ou votre gestion de l’irrigation :
• 5 bonnes raisons de s’équiper d’une sonde d’irrigation
• Comment bien choisir sa sonde d'irrigation ?
• Irrigation : quels besoins en eau par culture ?
• Pompes à eau solaires agricoles : un équipement d’avenir ?