Travail agricole : comment éviter les accidents par temps froid ?
Sommaire
Chaque hiver, à, l’instar d’un grand nombre de professionnels exerçant des métiers d’extérieur, les travailleurs du secteur agricole sont exposés au froid lors de leurs heures de travail. Or, travailler par basse température est loin d’être anodin pour la santé et comporte des risques qu’il convient d’évaluer et de prévenir de façon méthodique, comme l’exige le Code du travail.
Sommaire :
- A partir de quelle température faut-il être vigilant ?
- Un risque mortel à conjurer : l’hypothermie
- Le risque d’accident aggravé par le froid
- Formaliser l’évaluation des risques liés au froid dans le DUER
- Mobilisation de l’Inspection du travail sur le “grand froid”
- Les mesures de prévention à prendre par les employeurs
- Protéger l’activité face aux aléas climatiques
1. A partir de quelle température faut-il être vigilant ?
Bons connaisseurs des aléas climatiques, les agriculteurs le savent : la dangerosité du froid ne dépend pas de la seule température. Il faut y ajouter d’autres paramètres tels que le taux d’humidité, la force du vent et même l’altitude, sans oublier bien sûr les capacités de résistance de l’organisme, variables d’un individu à l’autre. C’est pourquoi, le Code du travail a renoncé à énoncer des seuils de température à partir desquels telles ou telles actions de prévention seraient automatiquement prescrites.
Une certaine marge d’appréciation est donc laissée aux employeurs. Les dirigeants d’exploitation agricole peuvent toutefois se référer aux seuils de risques établis par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Selon cet organisme spécialisé :
- En dessous de 5 °C, la vigilance s’impose. En effet, à cette température, une exposition au froid, prolongée ou non, a des effets directs sur la santé : gelures, hypothermie, crampes, assoupissement, troubles musculosquelettiques (TMS), perte de dextérité…
- Entre 5 °C et 15 °C, les températures présentent moins de risques directs, mais peuvent néanmoins être source d’inconfort pour des travaux sédentaires, de pénibilité légère, voire d’accidents : engourdissements ou rhumes, accidents dus à une fatigue accrue, à une perte de dextérité, survenue de TMS…
2. Un risque mortel à conjurer : l’hypothermie
Parmi les risques liés aux basses températures, l’hypothermie est le plus grave puisqu’il peut conduire à la mort de l’individu. L’hypothermie survient après une exposition prolongée au froid, provoquant une chute de la température interne inférieure à 35 °C. L’hypothermie est une des principales causes de mortalité liée à l’exposition directe au froid dans la population générale. Elle doit donc faire l’objet d’une attention toute particulière.
Responsable du département formation de Point Org Sécurité, une entreprise spécialisée dans la prévention des risques professionnels, et formateur en sauvetage secourisme du travail, Richard Fuhrmann explique :
“Il convient bien sûr de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la survenue d’une hypothermie, mais aussi d’apprendre déceler son apparition le plus précocement possible. Les personnes frappées d’hypothermie se signalent par une série de symptômes qui apparaissent progressivement. D’abord la chair de poule, des frissons et un engourdissement des extrémités. Ensuite, une parole plus saccadée, des difficultés à marcher, une perte d’attention, de jugement ou de mémoire, une peau froide, de la fatigue voire de la somnolence. L’idéal consiste bien sûr intervenir dès les premiers symptômes. C’est pourquoi, dans les métiers agricoles, exigeant fréquemment de travailler en extérieur ou dans des bâtiments non chauffés, il est recommandé, lorsque les températures chutent, d’éviter les tâches solitaires et de constituer des binômes."
3. Le risque d’accident aggravé par le froid
Au-delà des risques directement provoqués par le froid, il faut aussi compter avec les risques indirects. En effet, le froid a aussi pour effet d’aggraver les risques d’accident, notamment dans les métiers qui exigent de recourir à des engins ou des machines. L’INRS attire particulièrement l’attention sur :
- les sols rendus glissants en raison du verglas, cause de chute ou d’accident de la route
- les contacts avec des surfaces métalliques froides,
- la pénibilité et la fatigue accrues du fait de l’augmentation de la dépense énergétique,
- la perte de dextérité ou de sensibilité tactile liée au froid, au port de gants, voire de vêtements de protection contre le froid,
- les difficultés à se déplacer en extérieur, à cause de la neige aussi bien à pied qu’à bord de véhicules.
4. Formaliser l'évaluation des risques liés au froid dans le DUER
La variété des risques entraînés par le travail par basse température explique que le législateur ait expressément rendu obligatoire leur évaluation méthodique.
Comme le souligne le mensuel numérique Altersécurité, “la prévention des risques liés au froid ne saurait être laissée au seul bon sens et à la libre initiative des salariés. Ces risques doivent faire l’objet d’une véritable évaluation rigoureuse et exhaustive, notamment dans le cadre du document unique. Plusieurs facteurs doivent, à cet égard, être pris en compte : les facteurs climatiques bien sûr, mais aussi ceux résultant du poste de travail ou de la tâche à effectuer”.
Cette obligation d’inscription est formellement rappelée à l’article R4121-1 du Code du travail qui mentionne les risques liés aux ambiances thermiques :
“L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs […]. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.”
5. Mobilisation de l'Inspection du travail sur le "grand froid"
Enfin, preuve que ces risques sont pris au sérieux, ils font partie des sujets sur lesquels l’Inspection du travail est régulièrement mobilisée.
À titre d’exemple, voici quelques années, une note d’information ministérielle prévoyait “une vigilance accrue de l’Inspection du travail dans les secteurs d’activité les plus concernés par les risques liés au grand froid et aux variations d’ambiances thermiques.” Autant dire que le secteur agricole se retrouvait, par nature, en première ligne !
Et la note précisait que “des contrôles inopinés seront engagés par les services de l’inspection du travail pour s’assurer du respect, par les employeurs, de leurs obligations réglementaires et d’une bonne évaluation du risque, adaptée au facteur ‘grand froid”.
6. Les mesures de prévention à prendre par les exploitants agricoles
Une fois les risques évalués, il convient en effet, pour les exploitants agricoles, de prendre les mesures de prévention les plus complètes possibles. Tenues de travail adéquates, adaptation des locaux, modification de l’organisation du travail…la palette des solutions est vaste. Ici encore, le choix doit donc reposer sur une démarche globale, maîtrisée et rigoureuse. Et il sera d’autant plus efficace et sans impact négatif sur le fonctionnement de l’entreprise que les mesures nécessaires auront été élaborées à l’avance.
Le Guide national relatif à la prévention et à la gestion des impacts sanitaires et sociaux liés aux dernières vagues de froid rappelle les mesures à prendre par les employeurs pour prévenir les risques d’atteinte à la santé de leurs salariés :
- l’aménagement du poste de travail (exemple : chauffage adapté des locaux de travail lorsqu’ils existent ; accès à des boissons chaudes, moyen de séchage et/ou stockage de vêtements de rechange ; aides à la manutention manuelle permettant de réduire la charge physique de travail et la transpiration) ;
- l’organisation du travail (exemple : planification des activités en extérieur, limitation du temps de travail au froid, dont le travail sédentaire ; organisation d’un régime de pauses adapté et un temps de récupération supplémentaire après des expositions à des températures très basses) ;
- la mise à disposition de vêtements et équipements de protection contre le froid (exemple : adaptation de la tenue vestimentaire, qui devra permettre une bonne protection contre le froid sans nuire aux exigences inhérentes à la tâche à effectuer – mobilité et dextérité pour l’essentiel). La tenue adoptée devra, par ailleurs, être compatible avec les équipements de protection individuelle prévus pour d’autres risques (travail en hauteur, protection respiratoire…) lorsqu’ils sont utilisés conjointement avec les vêtements de protection contre le froid.
7. Protéger l’activité face aux aléas climatiques
Ces mesures peuvent sembler lourdes pour conjurer un risque somme tout vieux comme le monde. Mais c’est oublier que les risques les plus familiers sont justement ceux que l’on a le plus tendance à ne plus voir. Formaliser la prévention et l'évaluation des risques liés au froid contribue ainsi de façon déterminante à lutter contre la négligence. Enfin, ces démarches doivent être vues comme des moyens de protéger la santé et la sécurité des travailleurs, mais aussi comme des moyens opérationnels de maintenir le bon fonctionnement de l’exploitation agricole, des conditions de travail dans une situation dégradée par les conditions météorologiques.
Comme le résume un membre d’une coopérative agricole, “les mesures prises pour prévenir les risques induits par le froid doivent être envisagées comme une façon de se garantir contre les aléas climatiques”.