Vigneron

Mise en bouteille : Tout savoir

Écrit par  Mélanie Champeau
Publié le 24 janvier 2024
7 min. de lecture
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Opération particulièrement exigeante techniquement, la mise en bouteille charrie aussi son lot de démarches administratives. Les vignerons sont-ils tous à la même enseigne ? Quels sont les éléments à anticiper ? Le point dans cet article. 
 
Sommaire : 
 
 
La mise en bouteille, ou embouteillage, est le couronnement d’années de travail du vigneron, à la vigne comme au chai. C’est un passage délicat techniquement, dont dépend la bonne conservation du vin. C’est aussi la charnière entre production et commercialisation. D’où l’importance d’un certain formalisme, qui se traduit par une obligation de traçabilité, voire de déclaration(s).  
 
 
 

Mise en bouteille : de quoi parle-t-on ?

 

Qu'est-ce que la mise en bouteille ?

La mise en bouteille, ou embouteillage, est l’ultime étape de production du vin, qui consiste en son conditionnement en bouteilles en verre (ou bag-in-box le cas échéant). Cette étape recouvre en réalité plusieurs opérations. D’une part le tirage, qui correspond au remplissage du contenant avec du vin. De l’autre le bouchage, soit l’ajout d’un obturateur (bouchon en liège / bouchon aggloméré / capsule) sur la bouteille. L’ensemble est souvent précédé d’une filtration, destinée à achever la stabilisation du vin. La mise en bouteille s’effectue dans la grande majorité des cas via un groupe d’embouteillage, soit une machine permettant la réalisation autonome de ces deux ou trois étapes. La mise en bouteille est effectuée soit par l’opérateur lui-même (producteur, négociant, éleveur ou grossiste) soit par un prestataire mettant à disposition sa propre chaîne d’embouteillage et ses services.

 

La traçabilité : le registre de cave 

Tout opérateur vitivinicole doit tenir une comptabilité matières. C’est-à-dire laisser une trace écrite de toutes les entrées, sorties et transformations de produits au sein de son exploitation. Ce formalisme permet de remplir les déclarations douanières, et d’être en règle en cas de contrôle des douanes ou des fraudes, ou encore d’un organisme de contrôle AOC ou IGP, le cas échéant. Le support de votre comptabilité matière est le registre de cave. Dans ce dernier doivent figurer les informations liées à une mise en bouteille.
 
À savoir : 
  • La date de mise en bouteille
  • La nature du produit
  • Le numéro de cuve
  • Le volume à embouteiller
  • Le nombre de récipients (bouteilles ou BIB) par contenance
  • Le nom et l’adresse de l’embouteilleur
  • Le numéro de lot 
 
Attention : il est fortement recommandé de tenir à jour, à chaque opération de conditionnement, sa consommation de CRD (capsules représentatives de droits). Afin d’en anticiper les commandes d’une part, et, de l’autre, d’être en mesure d’en déclarer les stocks lors de la déclaration annuel d’inventaire (DAI) faite aux douanes. 
 
Il est possible de tenir un registre de cave format papier. Mais des solutions dématérialisées existent, permettant de centraliser ses données, et d’automatiser certaines opérations. 
 

AOC et IGP : une déclaration à fournir

En AOC (appellation d’origine contrôlée) ou IGP (indication géographique protégée), la mise en bouteille implique généralement des obligations déclaratives auprès d’un organisme de contrôle. Celles-ci figurent au chapitre II du cahier de charges. 
 
Ces obligations diffèrent d’un vignoble à l’autre : la déclaration de mise en bouteille auprès de l’organisme de contrôle peut être obligatoire ou facultative. Le délai de déclaration varie également. Selon l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité), il est compris « entre six et quinze jours ouvrés avant la mise à la consommation ou avant l’expédition des lots concernés hors des chais de l’opérateur. » 
 
Si cette déclaration est facultative, et que vous choisissez de ne pas la transmettre, cela ne vous épargne pas certaines obligations. En effet, votre registre de cave contenant les informations liées à la mise en bouteille devra alors être mis à disposition de l’organisme de contrôle, dans la perspective de contrôles inopinés dans l’année qui suit le conditionnement.
 
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Les étapes de la mise en bouteille 

 

Etape 1 : Lavage / Rinçage 

Les bouteilles vides, bien que livrées en palettes filmées, peuvent toujours contenir quelques corps étrangers : poussières, petits bris de verre, insectes… Un rinçage juste avant le remplissage s’avère donc indispensable, évitant toute déviation organoleptique ou écart réglementaire. En principe, la fonction de rinçage est intégrée au groupe d’embouteillage. Attention : l’eau de rinçage doit être traitée au préalable, afin d’être potable, adoucie et déchlorée. Ceci de manière à protéger la machine comme le vin. 

 

Etape 2 : Remplissage

Lors de cette étape cruciale, on s’assure d’un point en particulier : l’absence d’apport d’oxygène. Ce qui passe d’abord par une bonne préparation du vin avant mise. Assurez-vous d’ajuster les taux de CO2, O2 et SO2 de votre produit une semaine avant embouteillage. Puis, lors du transfert de la cuve au groupe d’embouteillage, veillez à ne jamais apporter d’air. Sur ce point, les débuts et fins d’opération sont les plus à risques. Idéalement, pensez à inerter l’installation en apportant de l’azote aux raccordements. Une fois ces étapes préalables accomplies, le remplissage à proprement parler se réalise avec précision. Privilégiez un groupe effectuant le remplissage par gravité, et vérifiez son bon fonctionnement. Définissez un niveau de remplissage optimal en fonction du bouchon choisi et de la température du vin, et vérifiez régulièrement, en cours de mise, que ce niveau reste le même. 

 

Etape 3 : Bouchage / Surbouchage

Le bouchage est probablement l’étape la plus technique de l’embouteillage : de nombreux points sont à vérifier afin d’assurer un potentiel de vieillissement optimal au vin. D’abord, le choix du bouchon. Celui-ci doit être adapté à votre produit (privilégiez le bouchon technique pour les vins à tendance oxydative, le bouchon liège pour les vins destinés à la garde), mais aussi à votre bouteille, en largeur comme en hauteur. L’idée est que l’espace entre le bouchon et le liquide (dit espace de tête, ou dégarni) ne soit ni trop important (risque d’oxydation) ni trop faible (risque de coulure suite à la dilatation du vin). Votre boucheuse doit comprendre une option essentielle qui est la pompe à vide. Celle-ci chasse l’air du col de la bouteille juste avant bouchage, assurant l’absence d’oxygène dans le produit conditionné. Vérifiez le bon positionnement du bouchon en cours d’embouteillage en prélevant régulièrement une bouteille.  

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Etape 4 : Etiquetage 

C’est l’étape ultime, qui permet au vin d’être commercialisé. Elle s’effectue en principe à l’aide d’une étiqueteuse, souvent séparée du groupe d’embouteillage. Celle-ci permet d’apposer l’étiquette, éventuellement la contre-étiquette et généralement une capsule de surbouchage. En termes de contenu, l’étiquetage doit respecter certaines règles (lire plus bas). 

 

Etape 5 : Conservation 

En fonction de votre mode de commercialisation, vos bouteilles tirées bouchées sont stockées un certain temps dans vos locaux, de quelques jours à quelques années. Plus ce temps est long, plus les conditions de stockage sont essentielles. Premier élément clef : la température, qui doit idéalement être comprise entre 10 et 16 degrés. L’absence de lumière est aussi essentielle, en particulier de certains néons, responsables des goûts de lumière. Votre lieu de stockage doit aussi être exempt d’odeurs fortes (carburants, colles…), de matériaux traités au chlore (pour éviter les goûts de bouchon) et de vibrations.

 

Etape 6 : Dégustation

Le suivi aval de votre embouteillage est essentiel. Il passe par des mesures analytiques et par la dégustation. Quand l’une de vos bouteilles présente un défaut, pensez aux éventuelles améliorations à apporter à votre processus d’embouteillage.

 

L'étiquetage : 8 mentions obligatoires

La mise en bouteille implique également un formalisme vis-à-vis du consommateur  : l’étiquetage.  
 
Depuis le 8 décembre 2023, il y a une obligation d’affichage des ingrédients en France et de la valeur énergétique sur les bouteilles de vin, comme l’a décidé l’Union Européenne à l’occasion de la réforme de la PAC. 
 
Sur le contenant (bouteille, BIB ou autre), 8 mentions doivent apparaître clairement : 
 
  1. la dénomination du produit 
  2. le volume 
  3. le degré d’alcool 
  4. la mention sanitaire (femme enceinte) 
  5. le nom et adresse de l’embouteilleur
  6. le numéro de lot
  7. les allergènes
  8. la provenance (pays) 
 
À ceci s’ajoutent la teneur en sucre pour les effervescents et le logo bio (Eurofeuille ou AB) pour les vins certifiés. Certaines interprofessions peuvent aussi demander une mention supplémentaire. 
 
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, millésime et cépage ne sont pas des mentions obligatoires
 
Pour le reste, le producteur est libre d’ajouter ce qu’il veut (nom de cuvée, méthodes de production, mentions valorisantes…) dans le respect de la loi : pas de mention fausse ou diffamante, respect de la propriété intellectuelle, de la propriété industrielle et du droit à l’image… 
 
Pour en savoir plus sur les obligations légales à respecter pour étiqueter son vin, vous pouvez consulter notre article de blog : https://blog.isagri.fr/les-obligations-legales-de-l-etiquetage-sur-une-bouteille-de-vin
_isagri-1022-article-etiquetage
 
 
UNE OPÉRATION QUI SE PRÉPARE 
Une mise en bouteille réussie passe par l’anticipation de points cruciaux. Parmi lesquels :
  • vérifier les temps d’élevage imposés par son cahier des charges
  • anticiper les opérations de clarification, stabilisation et sulfitage nécessaires
  • réserver un créneau auprès de son prestataire à temps, le cas échéant
  • prévoir les achats de matières sèches (bouteilles, bouchons, étiquettes, cartons, CRD…)
  • penser à effectuer un bilan analytique, pour l’export notamment

 

 

Le matériel nécessaire pour la mise en bouteille

 

La chaîne d'embouteillage 

La chaîne d’embouteillage contient a minima un système de tirage (remplissage) et de bouchage. On peut y ajouter : 
  • une rinceuse, 
  • un filtre, 
  • un système de dépalettisation des bouteilles vides, 
  • un système d’inertage à l’azote, 
  • un système de traitement de l’eau de rinçage, 
  • un système de marquage des bouteilles (laser) pour la traçabilité, 
  • un système d’emboxage pour les bouteilles tirées-bouchées.

 

La chaîne d'étiquetage

La chaîne d'étiquetage doit permettre d’habiller votre bouteille dans l’optique de sa commercialisation. Ce qui comprend le collage de l’étiquette, de la contre-étiquette, éventuellement de la capsule de surbouchage.

 

Le matériel de stockage

Vos bouteilles tirées-bouchées auront besoin de contenants pour pouvoir être stockées au mieux. Les boxs métalliques sont souvent prisés pour leur solidité, leur poids raisonnable, leurs dimensions standards et leur conception adaptée aux chariots élévateurs.

 

Les matières sèches 

Sans oublier les matières sèches, soit l’ensemble des matières permettant à votre produit d’être commercialisable : bouteilles, bouchons, étiquettes, capsules de surbouchage (avec éventuellement CRD), cartons etc…

 

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La mise en bouteille est donc un processus minutieux qui nécessite de respecter plusieurs étapes comme le rinçage, le remplissage, le bouchage et surbouchage, l’étiquetage, la conservation et la dégustation. Il est donc indispensable de prévoir le matériel nécessaire pour la mise en bouteille. De plus, la dimension administrative est également très importante. Il est de ce fait important de toujours garder à jour son registre de cave.