Vigneron
La chaptalisation : tout savoir sur cette pratique viticole encadrée
Écrit par Mélanie Champeau
Publié le 01 juin 2024
6
min. de lecture
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Sommaire
Indispensable techniquement, ou bien nécessaire commercialement, la chaptalisation est une pratique œnologique particulièrement réglementée. Découvrez tout ce qu’il faut savoir pour prendre des décisions éclairées.
Sommaire :
La chaptalisation, c’est quoi ?
L’origine de cette technique
Procédure de Chaptalisation
Chaptalisation : que dit la loi ?
Contrôler l’enrichissement du vin
Quelles méthodes alternatives à la chaptalisation ?
La chaptalisation, c’est quoi ?
La chaptalisation, ou sucrage à sec, consiste à ajouter du sucre au moût de raisin avant ou pendant la fermentation alcoolique afin d’augmenter le degré alcoolique d’un vin. En théorie, l’ajout de 16,83g de sucre par litre de moût donne 1 % d’alcool supplémentaire après fermentation. Il est probable que la technique soit pratiquée depuis des siècles dans le milieu viticole, mais on doit sa théorisation au début du XIXe siècle par le chimiste, médecin et homme politique français Jean-Antoine Chaptal, qui lui a donné son nom.
L’origine de cette technique
La chaptalisation est une pratique parfois essentielle en œnologie. Cette méthode a révolutionné la vinification en permettant une meilleure maîtrise du degré alcoolique final du vin, garantissant ainsi un meilleur équilibre gustatif et une conservation prolongée. Introduite au début des années 1800, la chaptalisation a été particulièrement bénéfique dans les régions viticoles du Nord où le climat ne permettait pas toujours d'atteindre une maturité suffisante des raisins. Aujourd'hui, bien que très réglementée, elle reste une technique précieuse pour les vignerons cherchant à équilibrer leurs vins, surtout dans les années moins ensoleillées.
Procédure de Chaptalisation
Pourquoi chaptaliser ?
La chaptalisation offre plusieurs bénéfices aux vignerons :
- Premièrement, elle permet de compenser le manque de sucre contenu dans le raisin qui n’aurait pas atteint la maturité nécessaire lors d’un millésime froid, afin d'atteindre, lors de la fermentation, le degré d’alcool minimum imposé par le cahier des charges des différentes appellations. Cela contribue à éviter la production de vins faibles en alcool, susceptibles d’être moins stables et plus vulnérables aux infections microbiennes.
- Deuxièmement, en ajustant le degré alcoolique, les vignerons peuvent améliorer l'équilibre général du vin, influençant ainsi sa texture, son corps et sa capacité de vieillissement.
- Ensuite, elle joue un rôle crucial dans la maximisation de la quantité de vin fini de bonne qualité. En stabilisant la fermentation et en assurant que tout le sucre est converti en alcool, la chaptalisation aide à produire un volume plus constant de vin alcoolisé.
- Enfin, cette pratique technique peut contribuer à une meilleure expression aromatique du vin, en assurant que la fermentation se déroule à un rythme idéal pour préserver les arômes délicats du raisin. Elle permet également de prolonger la fermentation, évitant ainsi les sucres résiduels ou encore de prolonger l’extraction.
Comment la chaptalisation est-elle réalisée ?
Pour commencer, le vigneron détermine la quantité de sucre à ajouter en fonction de la concentration en sucre naturelle des raisins et de l'augmentation d'alcool désirée. Le sucre est alors soigneusement mélangé au moût avant ou pendant la fermentation. Ce mélange doit être homogène pour éviter toute concentration de sucre en certains points, ce qui pourrait conduire à une fermentation irrégulière.
L'ajout de sucre se fait généralement en plusieurs étapes, surtout si de grandes quantités sont nécessaires, pour permettre aux levures de fermenter efficacement sans être surchargées.
Une fois le sucre intégré, la fermentation alcoolique se poursuit normalement, les levures transformant le sucre en alcool et en dioxyde de carbone. Durant ce processus, la température et la densité du moût sont régulièrement surveillées pour s'assurer que la fermentation se déroule de manière optimale. La chaptalisation doit être réalisée avec précision pour respecter les réglementations locales, qui peuvent varier significativement d'une région viticole à l'autre.
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Les matières utilisées
Dans le cadre de la chaptalisation, plusieurs substances sont autorisées pour l'ajout de sucre, mais les choix dépendent souvent de la législation spécifique à chaque région viticole. Le saccharose, extrait de la betterave sucrière ou de la canne à sucre, est le plus couramment utilisé en raison de sa pureté et de sa capacité à se dissoudre rapidement et complètement dans le moût. C'est une source de sucre efficace qui assure une fermentation homogène sans altérer les goûts ou les arômes du vin.
Outre le saccharose, le moût concentré rectifié (MCR) est également une option populaire. Le MCR est un concentré de raisin qui a été décoloré et désaromatisé, permettant d'augmenter la teneur en alcool sans modifier significativement le profil aromatique ou la couleur du vin. Son utilisation est particulièrement appréciée pour ajuster les vins sans influencer leur caractère.
Dans certains cas, le glucose et le fructose, sous forme de sirops ou de poudres, peuvent aussi être utilisés pour la chaptalisation. Ces sucres simples sont efficaces pour la fermentation et sont une alternative lorsque les réglementations locales limitent l'usage du saccharose.
Chaque type de sucre ou de moût concentré offre des avantages spécifiques et doit être choisi en fonction du type de vin visé et des normes légales en vigueur. Ces matériaux sont essentiels pour aider les vignerons à obtenir la qualité et le style de vin désirés, tout en respectant les cadres réglementaires.
Chaptalisation : que dit la loi ?
«Comment calculer la quantité de saccharose nécessaire ?»
Pour calculer la quantité de saccharose nécessaire à la chaptalisation, les vignerons utilisent une formule simple qui prend en compte le degré d'alcool qu'ils souhaitent atteindre et le taux de sucre initial du moût. Typiquement, pour augmenter la teneur en alcool de 1%, il faut ajouter environ 17 à 20 grammes de saccharose par litre de moût, selon la densité et la température du moût. Pour effectuer ce calcul, il est d'abord nécessaire de mesurer la quantité de sucre naturellement présente dans le moût, souvent exprimée en degrés Brix, puis de déterminer combien d'alcool supplémentaire est souhaité. En multipliant la quantité de litres de moût par le nombre de grammes de sucre nécessaire par litre, on obtient la quantité totale de saccharose à ajouter. Cette méthode assure une précision essentielle pour atteindre l'équilibre désiré du vin sans dépasser les limites légales de chaptalisation.
Dans quelles limites ?
Tout dépend de votre vignoble.
L’enrichissement des vins est encadré par un règlement européen, qui fixe des limites en fonction des zones viticoles, classées en fonction de leur climat :
(Les limites de l'enrichissement du degré alcoolique sont relevées de 0,5% en cas "d'année exceptionnelle".)
Zone A | Zone B | Zone C | |
Limites de l'enrichissement du degré alcoolique | +3,0% | +2,0% | +1,5% |
Limite de l'augmentation du volume pour les MC et MCR | +11,0% | +8,0% | +6,5% |
Titre alcoométrique total maximum | 11,5% | 12% | jusqu'à 13,5% |
Zone A (Allemagne, Belgique, Royaume-Uni…), zone B (Alsace, Champagne, Autriche, République Tchèque…), zone C (Bourgogne, Bordeaux, Languedoc, Italie, Espagne, Grèce, Portugal…
Mais à ces règles superposent celles des états membres. Ainsi, la France est bien plus sévère concernant la chaptalisation au sens strict, c’est à dire l’ajout de saccharose. Celle-ci est totalement interdite dans le sud du pays (Languedoc, Provence, Corse, Bordelais et Sud-Ouest). Il existe bien des cas de dérogation, émises par arrêté préfectoral en cas de contexte climatique défavorable, mais celles-ci restent rarissimes à l’heure du réchauffement climatique. Dans le nord, la pratique est autorisée dans des proportions différentes selon les millésimes et, bien sûr, selon les cahiers des charges.
Si l’opération est autorisée, il est possible de chaptaliser une cuve en une seule opération, ou bien de manière fragmentée.
Comment la déclarer ?
En tant que pratique modifiant la quantité de vin produite, la chaptalisation est particulièrement encadrée en France. Il faut respecter trois démarches administratives :
- La simple arrivée du sucre dans la propriété doit être indiquée dans le registre de cave.
- Avant la chaptalisation, vous devez prévenir les douanes de votre intention de chaptaliser, en précisant les cuves concernées, et dans quelles proportions. C’est la déclaration d’intention. Il faut l’adresser aux douanes « au plus tard 48h avant la première opération ». Une formalité à effectuer en ligne, sur le site douane.gouv.fr, service OENO.
- Par la suite, chaque opération de chaptalisation devra être inscrite dans le registre de cave.
Contrôler l’enrichissement du vin
Le contrôle de l'enrichissement est crucial pour assurer la qualité du vin final. Cela inclut le suivi régulier de la fermentation pour s'assurer que l'ajout de sucre se transforme correctement en alcool sans altérer les autres qualités du vin. Des analyses périodiques sont effectuées pour mesurer la densité et les niveaux de sucre résiduel, permettant aux vignerons d'ajuster le processus si nécessaire. L'objectif est de parvenir à un équilibre harmonieux entre l'alcool, les arômes, et les saveurs, tout en restant conforme aux standards de qualité et aux réglementations viticoles.
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Quelles méthodes alternatives à la chaptalisation ?
En dehors de la chaptalisation, plusieurs méthodes alternatives sont disponibles pour ajuster le profil du vin. L'une des techniques les plus répandues est l'osmose inverse, qui permet de concentrer les moûts en extrayant l'eau avant la fermentation, augmentant ainsi naturellement la teneur en sucre des raisins.
Une autre option est l'utilisation de concentrateurs à membrane, qui séparent les composants indésirables tout en conservant les sucres et les arômes essentiels.
Pour ceux qui cherchent des solutions plus traditionnelles, l'égrappage plus tardif des raisins permet de prolonger la maturation sur la vigne, augmentant ainsi la concentration naturelle en sucres des raisins.
Ces méthodes, tout en respectant le caractère authentique du terroir et les normes de production durable, offrent aux vignerons des alternatives innovantes pour améliorer la qualité de leurs vins sans l'ajout de sucres externes.