Filière pomme de terre : état des lieux post Covid-19
Sommaire
Le confinement a été difficile pour les producteurs de pommes de terre. La filière s’était retrouvée avec un surplus de production d’environ 450 000 tonnes. Alain Dequeker, producteur de pommes de terre et secrétaire général de l’UNPT a répondu à nos questions.
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Quel avenir pour la filière pomme de terre en France ?
Les agriculteurs français vont-ils continuer à produire de plus en plus de pommes de terre ?
Pourquoi la filière française a-t-elle eu autant de surplus ?
Quelles ont été les solutions pour écouler les stocks ?
Quelle perte pour les agriculteurs français ?
Qu’en est-il des surplus de pommes de terre ?
Témoignage Alain Dequeker
Producteur de pommes de terre et secrétaire général de l'UNPT
Quel avenir pour la filière pomme de terre en France ?
« Il y a eu un très gros développement de la production de pommes de terre en France. Il est lié au développement des usines et à la demande industrielle qui vient de France mais aussi de Belgique. Les surfaces ont augmenté en très peu de temps de 100 000 Ha, cité pendant longtemps comme étant le point d’équilibre du marché, à environ 150 000 Ha aujourd’hui. Le chiffre d'affaires de la filière est probablement supérieur à celui de la filière betterave aujourd’hui. Malgré le coup brutal lié au coronavirus il devrait y avoir encore un développement de la demande dans les années à venir. Il y a 2 projets industriels qui sont en cours de construction. »
Les agriculteurs français vont-ils continuer à produire de plus en plus de pommes de terre ?
« Cette année, c’est particulier, avec le coronavirus la filière industrielle s'est arrêtée brutalement.
Sur 10 frites fabriquées :
> 3 sont destinées aux GMS (Grandes et Moyennes Surfaces)
> 7 sont destinées à la restauration hors domicile
Avec le confinement, la fermeture de tous les restaurants, les événements annulés, cela représente 7 frites sur 10 sans débouchés de vente.»
Impact du Covid-19 sur la vente de frites industrielles
«On estime qu’il y en a une partie, environ 10 à 20% qui est à destination du marché mondial. Celui-ci est en très forte croissance et sera le moteur du développement de la filière dans les années à venir. Mais avec le coronavirus, lui aussi est à l’arrêt.
On s’attend donc pour les 2 prochaines années à une baisse de la demande mondiale et de la demande industrielle. Pour mieux repartir peut-être, mais il y aura un effet Covid, c’est à peu près sûr. »
Pourquoi la filière française a-t-elle eu autant de surplus ?
« Lorsqu’un agriculteur français produit des pommes de terre, il a un contrat avec un industriel. Et il produit toujours des pommes de terre supplémentaires, pour être sûr d’honorer son contrat. Il y a toujours un marché pour ces pommes de terre, sauf cette année, il s’est évaporé. Moi-même j’avais à peu près 400 tonnes de surplus, et ces pommes de terre ont été très mal valorisées.
Certains industriels ont dégagé des pommes de terre, ça été le cas de Mc Cain ou Aviko. Ils ont payé le prix des contrats et ont valorisé les pommes de terre du mieux qu’ils pouvaient. D’autres industriels belges comme Clarebout ou Agristo sont plus positionnés sur la vente en GMS et donc eux n'ont pas subi la même baisse de la demande. »
Quelles ont été les solutions pour écouler les stocks ?
« À la suite de la sécheresse des trois derniers mois, les éleveurs n’avaient déjà plus d’herbe pour faire pâturer leurs bêtes. La demande de la part des éleveurs a été très forte. Ce matin, mon fils a été livrer notre dernière remorque chez un éleveur. Il nous en a pris beaucoup pendant la campagne et encore aujourd’hui il est content de pouvoir trouver des pommes de terre, et il en cherche encore.
J'ai valorisé mes pommes de terre en alimentation animale et en flocons mais j’ai subi une perte de CA sur mon surplus de contrat. Les industriels eux aussi ont du se "débarrasser" des pommes de terre grâce à des contrats vers l’alimentation animale ou avec les méthaniseurs. Les circuits courts ont également permis de valoriser une petite partie du surplus.»
Des pommes de terre bradés à 0.25€ /Kg
Quelle perte pour les agriculteurs français ?
« Si on prend le prix des cotations au mois de février/mars, en fonction des variétés on est entre 130 et 150€/T alors que les pommes de terre ont été valorisées entre 5 et 40€/T. La perte de CA est directement liée à cette diminution. Quelle que soit la destination industrielle, pour tous, la perte du milieu agricole est surtout liée au surplus de contrat. »
« C'est la livraison du contrat qui couvre les coûts de production et le surplus c'est le revenu. »
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Qu’en est-il des surplus de pommes de terre ?
« Aujourd’hui, il y a encore des bâtiments qui ne sont pas vides. Certaines usines ont tourné à 50% durant plusieurs mois. Mais les gens ont consommé plus de pommes de terre fraiches. En avril, la demande en pommes de terre fraiches a augmenté de 32%. Les gens se sont mis à cuisiner, ils devaient tous regarder Cyril Lignac et il proposait des recettes à base de pomme de terre, ça a boosté les ventes. »
Pour aller plus loin:
Éleveur laitiers: comment économiser sur vos rations grâce aux pommes de terre
3 alternatives au CIPC, par Alain Dequeker, secrétaire général de l'UNPT