Conseil Stratégique Phytosanitaire (CSP) : Pourquoi et quelles obligations ?
Sommaire
Prérequis indispensable pour renouveler votre Certiphyto décideur, le conseil stratégique phytosanitaire est une étape incontournable pour tout exploitant agricole. Découvrez tout ce qu’il faut savoir sur le CSP dans notre guide complet : définition, cadre de réalisation, obligations, exemptions, coûts…
Qu'est-ce que le conseil stratégique phytosanitaire (CSP) ?
La mise en place du conseil stratégique phytosanitaire a été prévue dans le cadre de la loi EGALIM du 30 octobre 2018. Cette loi prévoyait notamment la séparation des activités de conseil et de vente des produits phytopharmaceutiques (PPP), avec l’objectif d’apporter une garantie d’indépendance concernant le conseil délivré aux agriculteurs.
Fixé dans une ordonnance publiée le 24 avril 2019 et précisé dans le décret n°2020-1265 du 16 octobre 2020, le CSP est entré en vigueur au 1er janvier 2021.
Pour résumer, le CSP est un conseil obligatoire et individualisé, qui doit aider l’exploitant à réfléchir, à définir et à raisonner son usage des bioagresseurs. Celui-ci se déroule en 2 étapes :
• phase 1 : diagnostic de l’exploitation et des modes de production
• phase 2 : plan d’action avec la définition de leviers à mettre en place
À l’issue du conseil stratégique, le chef d’exploitation reçoit une attestation qui lui est indispensable pour le renouvellement de son Certiphyto. Un diagnostic et deux conseils stratégiques sont exigés par période de 5 ans.
Intérêt du conseil stratégique pour les agriculteurs
Outre le caractère obligatoire du CSP, celui représente toutefois plusieurs avantages à long terme pour les exploitants :
• contribuer à des pratiques agricoles plus durables : réduction des IFT, préservation de la qualité des sols, de l'eau et de la biodiversité, gestion équilibrée des écosystèmes ;
• réduction des coûts de production : économies sur les PPP, adoption d'alternatives durables ;
• opportunités commerciales : possibilité de réfléchir aux certifications (HVE…) qui donnent accès à des aides PAC de l’UE et à de nouveaux marchés (restauration collective…) ;
• gestion préventive des risques : santé des opérateurs, meilleures prévisions des impacts des maladies et ravageurs sur les cultures ;
• conseils techniques adaptés aux réalités de chaque exploitation : agriculteurs qui restent à la pointe des avancées techniques et scientifiques.
Distinguer le conseil stratégique du conseil spécifique
Le conseil spécifique est une recommandation ponctuelle destinée à répondre à une situation précise qui nécessite l'utilisation de produits phytosanitaires. Ce dispositif est aussi connu sous le nom de conseil de préconisation ou de conseil à chaud.
Il n'est pas obligatoire, mais il justifie l'emploi de ces produits en priorisant ceux qui ont le moins d'impact sur la santé publique et l'environnement. Voici un tableau comparatif :
Aspect | Conseil Stratégique | Conseil spécifique |
Statut | Obligatoire | Facultatif |
Objectif | Réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, répondre aux impasses techniques, limiter les résistances | Répondre à un besoin ponctuel face à une situation spécifique |
Nombre de conseil | Minimum 2 sur 5 ans (ou 1 dans certains cas) | Non obligatoire |
Diagnostic et plan d'action | Basé sur les spécificités de chaque exploitation | Non requis |
Contenu | Recommandations pour réduire l'usage des produits phytosanitaires, actions CEPP, méthodes alternatives, biocontrôle, substances à faible risque | Produits ou substances à moindre impact, méthodes alternatives disponibles, réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires |
Durée de conservation | 6 ans | 3 ans |
Qui peut dispenser les conseils | Personne ou entreprise certifiée et agréée par le préfet de région | Personne ou entreprise certifiée et agréée par le préfet de région |
Forme du conseil | Diagnostic et plan d'action écrit | Forme écrite, précisant la substance active, la cible, les parcelles concernées, la dose recommandée et les conditions d'utilisation |
Quels sont les exploitants concernés par le CSP ?
Le CSP est obligatoire pour tout exploitant utilisateur de produits phytosanitaires.
Si l’exploitation comprend plusieurs employés, un seul conseil stratégique sera nécessaire. L’attestation CSP délivrée comprendra l’ensemble des personnes titulaires du Certiphyto décideur dans l’entreprise.
Les exceptions et les cas d'exemptions de CSP
Il existe actuellement 3 cas d’exemption complète de CSP pour les entreprises agricoles. Celles-ci doivent, sur la totalité de leur surface (100 % de la SAU), soit :
• être certifiées Agriculture Biologique ou en cours de conversion
• être certifiées Haute Valeur Environnementale (niveau 3)
• n’utiliser que des produits de biocontrôle, des produits à faible risque ou des substances de base
Dans des cas très précis, l’entreprise peut obtenir une dérogation qui l’autorise à ne mettre en place qu’un seul conseil stratégique par période de 5 ans. Elle lui permet aussi de bénéficier d’un allégement, à savoir un contrôle uniquement sur les cultures principales. Cela concerne :
• les exploitations de moins de 2 hectares en arboriculture, viticulture, horticulture ou cultures maraîchères ;
• les exploitations de moins de 10 hectares pour les autres cultures ;
Ces cas de figure représentent environ 170 000 des 440 000 exploitations agricoles françaises.
Enfin, un cas unique permet de pourvoir renouveler son Certiphyto décideur sans avoir pu effectuer un CSP. Un décret publié le 28 décembre 2023 autorise la situation suivante :
1. Vous présentez un justificatif de prise de rendez-vous pour le CSP lors du renouvellement.
2. Dans ce cas, un Certiphyto provisoire d'une durée d'un an vous sera délivré.
3. Vous devrez envoyer la preuve de réalisation du CSP dans les 12 mois suivant la date de renouvellement.
4. Vous obtiendrez ensuite votre Certiphyto définitif pour une durée totale de 5 ans (1 an provisoire + 4 ans définitif).
Voici des exemples de situations :
Date de renouvellement de Certiphyto | CSP réalisé | Statut | Détails |
Juin 2026 | 1er CSP en avril 2024 | Conforme | L'agriculteur est en règle car il a réalisé son 1er CSP dans les temps requis |
Juin 2026 | Aucun CSP réalisé, RDV pris pour septembre 2026 | Utilisation de la dérogation | L'agriculteur reçoit un Certiphyto provisoire pour 1 an et doit réaliser son CSP en septembre 2026 pour obtenir le Certiphyto définitif valable jusqu'en juin 2031. |
Juin 2028 | 1er CSP en avril 2024, 2ème CSP en 2027 | Conforme | L'agriculteur est en règle car il a réalisé ses 2 CSP dans les temps requis. |
Juin 2028 | 1er CSP en avril 2027 | Non-conforme | L'agriculteur n'est pas en règle car il n'a pas les 2 ans requis pour réaliser le 2e CSP. |
Contrôle de conformité et sanctions prévues concernant le CSP
Comment sont effectués les contrôles de conformité CSP ?
Deux modalités ont été prévues pour vérifier le respect de la réglementation :
1. lors de contrôles phytosanitaires officiels chez les exploitations, effectués par les SRAL (Services régionaux de l’Alimentation)
2. lors du renouvellement du Certiphyto DENSA (Décideur en Entreprise Non Soumise à Agrément)
Conséquences et sanctions en cas du non-respect du CSP
Un exploitant qui manquerait au conseil stratégique phytosanitaire ne pourrait plus renouveler son Certiphyto décideur. Il ne pourra donc plus ni acheter, ni utiliser de produits phytopharmaceutiques sur son exploitation.
Il n’existe pas à ce jour de sanctions financières prévues en cas de non-respect. Vous recevrez toutefois un rappel à la réglementation et une demande de mise en conformité. La fourniture d’un justificatif de prise de rendez-vous pour un CSP sera également exigée.
Comment réaliser votre conseil stratégique phytosanitaire ?
Intéressons-nous maintenant à la réalisation d’une demande de conseil stratégique phytosanitaire, à savoir :
• les étapes à suivre
• les dates à respecter
• les organismes compétents
• les coûts du CSP
Les étapes du Conseil Stratégique Phytosanitaire (CSP)
Le CSP se divise en 2 phases : le diagnostic nécessaire à la rédaction du conseil et le plan d’action (= le conseil stratégique).
La phase de diagnostic vise à prendre en compte toutes les caractéristiques de l’exploitation :
• systèmes de culture
• organisation et situation économique de l'exploitation
• moyens humains et matériels disponibles
• spécificités pédoclimatiques, environnementales et sanitaires
• mesures de protection intégrée déjà mises en place
• utilisation des produits phytopharmaceutiques et des méthodes alternatives (IFT)
Le diagnostic de l’exploitation doit être actualisé tous les 6 ans.
La phase du plan d’action est réalisée à partir du diagnostic, et ce, au plus tard 3 mois après sa réalisation / actualisation. Ce plan co-construit par l’agriculteur et l’organisme agréé prévoit les leviers visant à réduire l’utilisation des produits bioagresseurs, tout en maintenant la viabilité économique de l’exploitation. Cela concerne :
• le calendrier d’action
• les équipements
• les coûts
• les moyens humains
• le suivi
• etc.
L’attestation CSP obtenue suite au conseil ouvre la voie au renouvellement du Certiphyto décideur.
Pour rappel : deux conseils stratégiques sont exigés par période de 5 ans, avec un intervalle de 2 à 3 ans entre les deux. Le 2e conseil stratégique dresse un bilan du déploiement du plan d’action et vise à l’ajuster en tenant compte :
• des difficultés rencontrées
• des facteurs de réussite
• des évolutions techniques
• des évolutions réglementaires
Veuillez noter que les documents qui justifient le conseil stratégique doivent être conservés pendant 6 ans par l’exploitant.
Le calendrier pour se conformer à la règlementation CSP
Suite à l’entrée en vigueur de la loi en 2021, nous sommes actuellement dans une période de transition concernant le renouvellement des Certiphyto et l’intégration du CSP. Cette période va s’étaler jusqu’en 2026. Notez que toutes les exploitations agricoles concernées devront avoir reçu un premier CSP avant le 31 décembre 2024. Voici un récapitulatif des démarches nécessaires pour vous conformer à la réglementation :
• renouvellement prévu en 2021 : aucun CSP nécessaire
• renouvellement prévu en 2022 : aucun CSP nécessaire
• renouvellement prévu en 2023 : aucun CSP nécessaire
• renouvellement prévu en 2024 : justifier d’1 CSP de moins de 3 ans
• renouvellement prévu en 2025 : justifier d’1 CSP de moins de 3 ans
• renouvellement prévu en 2026 : justifier de 2 CSP (espacés de 2 à 3 ans)
• renouvellement prévu en 2027 : justifier de 2 CSP (espacés de 2 à 3 ans)
Le législateur avait initialement prévu que toutes les exploitations agricoles françaises devaient avoir reçu un premier conseil stratégique avant le 31 décembre 2023. Face au manque de conseillers indépendants, cette obligation a été repoussée d’un an (décembre 2024).
Les organismes agréés pour réaliser le CSP
Pour réaliser son conseil stratégique, l’agriculteur doit prendre rendez-vous avec un organisme disposant d’un agrément. Le CSP est un conseil obligatoire et individualisé qui peut être effectué par un peu plus de 350 acteurs en France métropolitaine et dans les DROM-COM. Il s’agit pour l’essentiel :
• des chambres d’agriculture
• de centres d’études techniques
• de laboratoires indépendants
• de conseillers agricoles et d’experts indépendants
• de coopératives agricoles et agroalimentaires
En vertu de la loi de séparation du conseil et de la vente des PPP, seules les entreprises disposant d’un agrément « conseil » pour la réalisation d’un conseil phytosanitaire, indépendantes de la vente, peuvent réaliser ces conseils.
Quel est le prix d'un conseil stratégique phytosanitaire ?
Les coûts du conseil stratégique vont dépendre des situations :
• exploitation sans allègement CSP : entre 500 et 600 € par an
• exploitation avec allègement CSP : autour de 180 € par an
• conseil spécialisé sans allègement : prévision de 1 500 € par an
• conseil spécialisé avec allègement : prévision de 300 € par an
Afin de ne pas gréver le budget des exploitations, le législateur avait prévu que la séparation des activités conseil et vente aurait fait baisser le coût des PPP. Dans le même temps, la diminution des usages de bioagresseurs dans le cadre du plan Ecophyto devait également réduire les charges des exploitants, leur achat représentant en moyenne entre 5 et 13 % des charges.
Anticipez et préparez votre conseil stratégique phytosanitaire
Tout chef d’exploitation doit veiller à anticiper sa demande de CSP auprès des organismes agréés, notamment afin d’éviter un phénomène d’engorgement comme ce fut le cas fin 2023. La DRAAF encourage tous les agriculteurs à prévoir et à planifier les rendez-vous au plus tôt, car aucune dérogation n’existe pour les retardataires.
Actions à prendre en amont pour faciliter le CSP
L’efficacité et le temps nécessaire au CSP dépend largement des données disponibles sur l’exploitation. Ainsi, une entreprise qui dispose d’outils digitalisés de suivi terrain, permettant de collecter et de consolider des données nécessaires à la phase de diagnostic, ainsi que des logiciels relatifs à l’administration de l’exploitation (gestion parcellaire, contraintes réglementaires, stratégie phyto…), ou d’un compte Telepac, peut facilement réunir les données utiles à l’organisme agréé ou à une société d’audit pré-CSP.
La présence de ces outils sur l’exploitation permet en général de réduire les coûts du conseil stratégique phytosanitaire.
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Suspension du CSP en 2024 : comment renouveler son Certiphyto ?
Le conseil stratégique phytosanitaire n'est pas totalement abandonné. Le gouvernement s'engage à réformer le conseil pour le rendre plus efficace et sans surcharge administrative, avec des travaux déjà en cours. Voici les modalités selon plusieurs exemples de cas de figure :
• Certiphyto arrivant à échéance avant le 1er mai 2024 sans CSP effectué : les DRAAF devront émettre un certificat provisoire d’un an. Les modalités de ce certificat provisoire sont à préciser.
• Certiphyto arrivant à échéance après le 1er mai 2024 sans CSP effectué : les demandes de renouvellement seront conservées pour un traitement ultérieur. Le gouvernement prévoit de prolonger ces certificats d’un an, avec une extension jusqu’au 1er mai 2025 sans émission d’un nouveau certificat.
• Certiphyto arrivant à échéance avec CSP effectué ou exempté : si le CSP est réalisé ou si l’agriculteur est exempté, le Certiphyto sera renouvelé pour 5 ans.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre chambre d’agriculture.