Comment bien choisir son pulvérisateur viticole pour réduire ses ZNT ?
Sommaire
Depuis le 1er janvier 2020, des Zones de Non-Traitement (ZNT) sont mises en place en viticulture à proximité des habitations. Les distances minimales à respecter pour traiter ses vignes sont normalement de 10 mètres. Mais en cas de charte d'engagement validée par le Préfet du département, elles peuvent être réduites à 5, voire 3 mètres. La condition : utiliser un certain type de matériels, pulvérisateurs et buses. Une liste officielle répertorie ces matériels « homologués » ; elle est consultable sur le site du ministère de l'agriculture.
Sommaire :
Les catégories de pulvérisateurs vignes qui permettent de réduire les ZNT
Le difficile compromis entre taille de goutte et dérive
Quelle buse à injection d'air ?
Buses à injection d'air : l'importance de la préparation de la bouillie et du bon nettoyage du pulvé
Les catégories de pulvérisateurs qui permettent de réduire les ZNT
Deux catégories de pulvérisateurs vignes permettent de réduire les ZNT : ceux avec panneaux récupérateurs, ou traitements confinés, qui réduisent de 90 % la dérive ; la ZNT sera alors abaissée à 3 mètres. Les autres, en face par face, qui limitent la dérive à hauteur de « seulement » 66 % ; leur usage abaisse la ZNT à 5 mètres.
« D'une façon générale, les pulvérisateurs pneumatiques sont à bannir car ils produisent des gouttes trop fines, et leurs tailles ne peuvent pas être réglées ; ils présentent donc un risque de dérive aérienne », précise Adel Bakache, conseiller agro-équipement de la Chambre d'agriculture 33. « Beaucoup de viticulteurs m'appellent car ils en sont équipés et ils souhaitent le modifier, mais ce n'est pas possible, sauf à investir dans du nouveau matériel. »
Pour les viticulteurs dont les pulvérisateurs vignes ne sont pas dans cette liste mais qui souhaitent réduire leur ZNT, Christophe Auvergne, conseiller agro-équipement à la Chambre d'agriculture 34, préconise l'achat d'une machine homologuée à plusieurs, en Cuma, qui serait réservée aux parcelles sensibles.
Le seul recours à ces pulvérisateurs « homologués » ne suffit pas. Ils doivent aussi être munis d'un certain type de buses. Des demandes d'homologations ont été faites par les constructeurs pour des modèles précis. Pour ceux-là, pas de question à se poser : il faut obligatoirement équiper son pulvérisateur avec. « Même avec le meilleur des appareils face par face, avec panneaux récupérateurs, si vous n'avez pas la bonne buse, cela ne servira à rien, vous ne serez pas homologué », prévient Christophe Auvergne. C'est par exemple le cas des descentes Polyjet Bobard, pour lesquelles seules les buses « Albuz TVI » ont été autorisées.
Le difficile compromis entre taille de goutte et dérive
Pour d'autres équipements en revanche, il est simplement stipulé que les buses doivent être à « injection d'air ». Par comparaison aux buses « classiques », elles forment des gouttes plus lourdes et de plus grosse taille, de l'ordre de 400 à 600 μ, contre 100 à 200 μ. C'est cette différence de taille de gouttelettes qui pose question pour certains viticulteurs habitués à voir des « embruns » lorsqu'ils traitent.
« Ils sont convaincus que cela donne une meilleure protection. Mais ce n'est pas forcément vrai : une grosse goutte dépose des quantités de produit supérieures sur la végétation, car il y a moins de dérive », explique Adel Bakache, s'appuyant sur les études déjà réalisées sur le sujet, notamment par l'IFV. « Le marché, du fait des habitudes, est très dur à faire bouger d’un type de buse à un autre et même d’une marque à une autre », confirme Roger Pierre Rozier, responsable commercial chez Buisard, un distributeur de buses.
Du côté de la Bourgogne, la profession reste sceptique sur leur qualité de pulvérisation obtenue avec des buses à injection d’air sur vignes étroites, notamment sur leur aptitude à bien répartir la bouillie jusque sous les feuilles. Pierre Petitot, conseiller à la Chambre d'agriculture 21, s'appuie sur une expérimentation du CIVC effectuée lors de la campagne de traitements 2019, qui a testé l'efficacité des traitements réalisés au moyen de buses classiques et à injection d'air. Les résultats, qui seront prochainement communiqués, seraient « fortement en défaveur des buses anti-dérive ». Dans ce vignoble, les volumes de travail oscillent entre 150 et 180 l/ha, avec des pulvérisateurs pneumatiques ou des jets projetés, nécessitant « un grand nombre de buses très fines en action sur une surface limitée ». Les buses à injection d'air ont un débit important, supérieur aux buses à turbulence classiques.
« Avec ce type de buse, des débits plus faibles pour limiter les volumes/ha vont poser un problème, poursuit Pierre Petitot. Le deal consistera à trouver un débit suffisamment faible, sans risquer le bouchage, surtout avec les produits de contact. Il faudra être ultra-technique. » Même constat pour les vignerons qui ont l'habitude de travailler à bas-volume, entre 100 et 150 l/ha par exemple, pour optimiser leurs débits de chantier. « C'est difficile de faire du bas-débit avec des grosses gouttes », confirme Adel Bakache.
Pour pallier ce problème, Pierre Petitot mise sur l'homologation probable, d'ici quelques mois, d'une nouvelle buse intermédiaire, la Lechler AD90, qui réduit la dérive mais sans injection d'air tout en donnant des gouttes plus fines. « Ce serait un bon compromis », indique celui-ci.
La buse Lechler AD90 à « dérive limitée » serait un bon complément des buses anti-dérive à injection d'air.
Un autre défaut soulevé est le risque de bouchage lié aux pastilles situées à l’entrée qui sont de petits calibres. Or les bouillies sont de plus en plus souvent sous forme de poudres, concentrées, et mal mélangées. « Avec des petits débits, des petits tuyaux, la circulation est rendue compliquée, cela favorise les dépôts dans les tuyaux et les raccords », indique Mathieu Sabouret, de JCM Technologie. Pour limiter ce risque, tous soulignent l'importance d'un bon nettoyage après chaque traitement (voir encadré).
Quelle buse à injection d'air ?
Plusieurs modèles de buses à injection d'air existent : les buses à turbulence qui forment un jet conique (cas des buses Albuz TVI, parmi les plus utilisés par les viticulteurs) et les buses à jet plat ou à fente (cas des buses Albuz CVI, Lechler IDK 90°). Buisard distribution a noté une forte progression de ses ventes des modèles Lechler IDK 90° à jet plat, sur le premier trimestre 2020.
La buse Lechler IDK est une buse à jet plat, à injection d’air basse pression (CR : JCM).
D'autres préfèrent celles à turbulence : « Je vais acheter des buses TVI pour avoir la même qualité de pulvérisation qu'avec les ATR, mais une meilleure récupération de la bouillie », témoigne Charles Duby, domaine de l'Arjolle (34), équipé d’un pulvérisateur Bertoni face-par-face confiné.
La buse à injection d'air Albuz TVI 80° à turbulence (CR : Bedouelle).
Adel Bakache rappelle qu'il n'y a pas « de recette magique ». « Cela dépend des situations : écartement des rangs, palissage, volume foliaire, etc. » Pour Christophe Auvergne, « les buses à fentes donnent de meilleurs résultats », grâce à leur jet vertical, plat : « si le jet est conique, il y a plus de perte de produit, surtout avec les panneaux récupérateurs, car les buses sont décalées par rapport aux panneaux au moment du passage », précise-t-il. « Les buses à fente ont une bonne efficacité en début de campagne. A partir de la 3e ou 4e feuille, on peut passer aux buses à turbulence avec un flux d'air, pour une bonne couverture et pénétration du feuillage », explique de son côté Mathieu Sabouret. Pour les jets plats, il faut ensuite choisir l'angle, de 80 à 110° sachant qu’un angle plus large favorise la dérive en cas de vent. Le principe est le même que pour les buses classiques, en fonction de si l'on souhaite un traitement concentré sur une zone ou au contraire plus éparpillé. Les jets doivent par ailleurs se croiser pour éviter les zones non traitées.
Buses à injection d'air : l'importance de la préparation de la bouillie et du bon nettoyage du pulvé
1 - Bien préparer la bouillie : la façon dont on incorpore le produit est très importante. Une mélangeuse devient indispensable ;
2 - Effectuer un bon nettoyage : un simple rinçage à la parcelle puis au karcher ne suffit pas. Il reste des dépôts colmatés dans le circuit et les buses. Il faut idéalement démonter les buses et les laisser tremper dans de l'eau et du vinaigre, les nettoyer avec une brosse, après chaque traitement, ou au maximum tous les 2 ou 3 traitements. Avant le remontage des buses, vidanger à l'eau claire pour enlever les résidus ;
3 - Autre conseil : d'une façon générale, plus il y a de filtres, mieux c'est. Il faut bien respecter les graduations concernant le diamètre des trous, au niveaux aspiration, tronçon, et enfin buses : le maillage doit être de plus en plus fin pour éliminer les impuretés. « La majorité des pulvérisateurs ne sont pourvus que d’un filtre ou deux, or les produits sont de plus en plus visqueux », constate le conseiller. Il faut enfin adapter le type de joints (épaisseur) : une IDK, par exemple, a un embase plus fine qu’une ATR.