Comment atteindre l'autonomie fourragère sur mon élevage ?
Sommaire
Avoir un système fourrager autonome sur son élevage, c'est chercher à produire vous-même une quantité de fourrage suffisante pour fournir toute l'année l'aliments grossiers de la ration de vos animaux d'élevage (bovins, ovins, caprins, équins, ...).
Cette technique nécessite de mettre en adéquation les besoins fourragers de votre troupeau, votre surface agricole, vos objectifs de production de lait ou de viande et les conditions pédo-climatiques de votre exploitation.
SOMMAIRE :
1. Les avantages de l'autonomie fourragère pour votre élevage
Ce concept est déjà bien connu en élevage bio, où le cahier des charges exige que 50% de la ration annuelle soit produite sur l'exploitation. Cette obligation répond au principe de "lien au sol" qui veut optimiser l'utilisation des ressources au sein de l'exploitation : du champ à l'alimentation des animaux, qui produisent ensuite l'engrais nécessaire à la croissance des cultures. En agriculture biologique, l'intérêt est aussi économique, le coût de l'aliment bio acheté étant plus élevé.
Cependant, viser l'autonomie fourragère, alors même qu'elle est mise à mal par les aléas climatiques, prend tout son sens aujorud'hui pour toutes les exploitations en élevage convetionnel.
Ce n'est, en effet pas pour rien, que c'est une des ambitions du "Plan de Relance Economique de la France" : améliorer l’autonomie alimentaire de l’élevage, notamment par rapport à l'importation de protéines végétales (soja notamment). L'objectif national est d'augmenter de 40% d'ici 3 ans les surfaces déiées à la production de protéines, et de les doubler d'ici 10 ans.
Cet objectif se retrouve aussi dans les aides agroenvironnementales et climatiques régionales de la PAC 2023 pour "accompagner la transition des systèmes". Elle se traduit par l'augmentation de l'enveloppe accordée aux légumineuses fourragères et à graines pour l'amélioration de l'autonomie fourragères, notamment, mais aussi la réduction de l’empreinte carbone et des intrants.
Le premier avantage de l'autonomie fourragère est, de façon logique, le gain d'autonomie sur votre exploitation. Cela vous permet de limiter votre dépendance aux fournisseurs extérieures et donc à la volatilité du prix de l'aliment. Vous réalisez aussi des économies sur votre ration.
Améliorer votre autonomie fourragère, c'est aussi penser un système plus résilient pour sécuriser vos ressources fourragères face aux aléas climatiques, et notamment la sécheresse.
Enfin, c'est une meilleure traçabilité de l'aliment et un plus grand contrôle de sa qualité afin d'améliorer la ration de vos herbivores, de limiter vos achats de concentrés et ainsi de faire des économies sur votre ration.
2. Estimez les besoins en fourrage de votre troupeau
Pour être en complète autonomie sur la production du fourrage consommé par vos animaux, il est nécessaire de savoir précisément quelle quantité de fourrage ceux-ci vont consommer à l'année.
Deux étapes sont nécessaires pour cela : tout d'abord, estimer les besoins alimentaires de vos animaux et calculer une ration. Ensuite, le calcul de cette ration vous permettra de connaître précisément les besoins en fourrage de votre troupeau et d'établir votre bilan fourrager.
L'autonomie en fourrage répond à un principe important : l'équilibre sol-troupeau, c'est à dire l'équilibre entre votre Surface Fourragère Principale (SFP) et le nombre d'animaux de votre cheptel, mesuré en UGB (Unités Gros Bovins). Si vous n'avez pas assez d'aliment pour nourrir vos animaux, plusieurs solutions s'offrent à vous :
- augmenter votre SFP
- réduire votre nombre d'animaux et ainsi diminuer votre chargement (nombre d'UGB / hectare)
- améliorer votre système fourrager pour obtenir plus de fourrage sur la même surface
- modifier votre conduite de troupeau. Vous pouvez notamment mettre en adéquation la période de demande et celle de production des fourrages. En élevage allaitant, par exemple, le pic de besoin survient dans la période d'allaitement et de reproduction : si celle-ci coïncide avec la période où l'herbe de pâturage est la plus disponible (printemps-été), vous réaliserez des économies !
3. Améliorez votre système fourrager
Bien choisir vos semences fourragères
Graminées, légumineuses, céréales, oléagineux, ou même tubercules, les espèces de plantes utilisables en fourrage sont nombreuses. Il est parfois difficile de choisir les plus adaptées à votre exploitation et aux besoins de votre troupeau bovin, ovin ou caprin.
Plusieurs critères sont à prendre en compte pour choisir l'espèce et la variété de vos plantes fourragères :
- Usage prévu : fauche et pâture ou seulement l'un des deux
- Conditions pédoclimatiques (nature du sol et climat) de la parcelle
- Durée de pâturage
- Production précoce ou tardive : certaines variétés produiront plus tôt au printemps tandis que d'autres vous permettront d'avoir de l'aliment en été ou plus tard à l'automne.
- Mode de récolte et de conservation choisi
- Productivité, valeur alimentaire et appétence
- Resistance aux maladies
Plusieurs outils peuvent vous aider à bien choisir, comme cet outil d'aide à la décision développé par SEMAE, l'interprofession des semences et plants.
Il n'y a bien sûr pas que "l'herbe" pour nourrir vos animaux. Comme évoqué précédemment, les légumineuses et autres protéagineux, riches en protéines pour vos animaux, permettent aussi l'enrichissement du sol grâce à leur reliquat azoté. N'oubliez pas non plus la betterave fourragère (productivité et faible encombrement), le sorgho (énergie) ou les couverts végétaux d'interculture, comme le colza fourrager !
Améliorer votre conduite de pâturage
Moins d'interventions sur la parcelle, pas de conservation : le fourrage pâturé coûte 3 à 5 fois moins cher que le fourrage stocké. L'objectif est donc de laisser vos animaux au pré le plus longtemps possible et donc d'optimiser ce fourrage plus économique
Nous avons déjà vu dans un autre article comment réussir sa mise au pâturage, trois points importants sont à retenir pour une meilleure gestion de la surface pâturée par vos bovins, ovins, ou autres animaux d'élevage.
Tout d'abord, semer les parcelles les plus portantes avec des espèces précoces et d’autres avec des plantes tardives, résistant mieux à la sécheresse vous permettra d'avoir du fourrage toute l'année.
Le déprimage de vos prairies, aussi appelé primherbage, est une technique qui consiste à faire pâturer vos animaux tôt dans la saison en les laissant pendant de courtes période dans les pâtures afin qu'ils consomment la partie supérieure des graminées qui a poussé pendant l'hiver. Cette herbe pâturée sera de moins bonne qualité mais cette méthode présente de nombreux avantages. Elle permet non seulement d'améliorer la durée de pâturage grâce à une sortie précoce des animaux mais aussi d'améliorer la qualité du fourrage produit ensuite au cours de la saison. Cela favorisera la croissance des espèces de la strate inférieure, notamment les légumineuses, qui bénéficierons mieux de la lumière, mais aussi des graminées, dont le tallage sera favorisé par les déplacements des bovins et de limiter le développement de certaines espèces indésirables (rumex, ombellifères, ...).
Si vous choisissez d'appliquer cette méthode sur vos prés, attention cependant à rentrer et sortir les animaux au bon moment : il faut que les animaux ne consomment que la partie de la plante au-dessus de 4 à 5 cm du sol pour ne pas supprimer la partie reproductrice des graminées (étêtage).
Avantages du déprimage des parcelles
Un second outil pour améliorer la gestion de vos prairies pâturées ou fauchées est la somme de température. Cette méthode consiste à suivre le développement de vos plantes en fonction du nombre de degrés utiles au développement de la plante accumulés par jour depuis le début de sa croissance. Une mise à l'herbe optimale des prairies doit se faire entre 300 et 500 degrés jours, selon la précocité de la prairie.
Suivi de la somme des températures d'une prairie (source : application Météus)
Produire plus de fourrages de qualité
Pour être autonome, il faut aussi, bien sûr, chercher à produire un maximum de fourrage sur votre surface. Un maximum oui, mais surtout avec un meilleure qualité. Un aliment avec un bon ratio PDI/UFL, et un encombrement faible : vos animaux en consommeront plus et leurs besoins seront plus vite satisfait. Vous vous approcherez ainsi de l'autonomie alimentaire en diminuant la quantité de concentrés nécessaires à votre ration.
Plus votre plante fourragère croit, plus sa valeur d'encombrement augmente tandis que sa valeur nutritionnelle (énergétique et azotée) diminue. Pour obtenir un meilleur ratio entre quantité et qualité de l'aliment, il est donc important de bien choisir sa date de récolte. L'utilisation des sommes de température, évoquée ci-dessus peut vous y aider.
Implantées entre deux cultures classiques, les sorghos, chou, radis, navette ou pois fourragers, le ray grass, l'avoine, le seigle, le colza, le moha, le millet, la vesce, le trèfle, ... les dérobées fourragères permettent d'éviter le surpâturage, de valoriser l'interculture et présentent de nombreux avantages agronomiques (structure du sol, piégeage et fixation de l'azote, lutte contre les adventices et nématodes,...) Plusieurs critères sont à prendre en compte dans le choix de votre culture dérobée :
- les dates de disponibilité de votre parcelle et le climat
- la localisation l'usage de votre parcelle : fauche, pâture, affouragement
- les cultures précédentes et suivante et les besoins agronomiques de la parcelle (lutte contre les adventices, érosion, besoins en eau ou en azote, ...)
- la toxicité de certaines plantes pour certaines espèces (par ex, la vesce velue en fleur qui est toxique pour les moutons)
- la méthode de destruction de la plante : il est difficile de se débarrasser du ray grass par exemple
Choisir ses dérobées fourragères pour la ration et l'intérêt agronomique
Améliorez votre production de fourrage grâce à nos articles spécialisés sur la production d'ensilage de maïs et d'ensilage d'herbe.
4. Choisir la bonne technique de conservation des fourrages
Ensilage, bottes, enrubannage, ... Une bonne conservation des fourrages est indispensable, non seulement pour garantir l'alimentation des animaux en hiver mais aussi pour faire face aux aléas climatiques. Les techniques de conservation sont donc nombreuses.
Que vous choisissiez une conservation sèche ou humide de vos fourrages, le plus important est de bien maîtriser la technique pour limiter les pertes !
Une des techniques de conservation prisée des éleveurs visant l'autonomie fourragère est la méthode du séchage en grange du foin.
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