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Analyse de fourrage : pourquoi et comment la faire ?

Écrit par  Delphine Huet
Publié le 17 juin 2024
7 min. de lecture
Retour sur le centre de ressources

Vous savez quelles espèces vous avez semées, vous avez fauché vos prairies, mais pour connaître précisément leur composition, suite à la météo, la fertilisation ou encore la méthode de conservation choisie, vous avez besoin d'indicateurs de qualité.

C'est là que l'analyse de fourrage intervient, comme un véritable outil de travail pour évaluer la qualité de vos stocks, et indirectement, votre autonomie fourragère.

 

 
SOMMAIRE
 

 

 

Analyser ses fourrages : pourquoi est-ce important ?

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Pour une bonne conservation

L’un des critères de bonne conservation d’un fourrage, c’est son taux d'humidité. C’est indispensable à connaître avant de fermer un silo rempli d'ensilage d'herbe, par exemple. Un bon moyen d’éviter de ruiner votre récolte. 
 

Pour donner ses animaux une ration équilibrée

Lorsque vous pensez et préparez la ration alimentaire de vos bêtes, vous tenez compte de leurs besoins. En fonction de leur âge, leur niveau de production actuel et l’objectif recherché, la recette n’est pas la même. Sauf que pour faire un bon petit plat, il faut des bons ingrédients.
 
Et il ne suffit pas d’être convaincu d’avoir un bon foin parce qu’il sent bon, ou qu’il a une “bonne texture”, pour que ce soit effectivement le cas ! Du moins, vous risquez de passer à côté d’indicateurs un peu plus précis.
 
En somme, contrairement au paquet de céréales que vous achetez pour vos enfants, il n’y a pas de petit tableau de composition nutritionnelle sur votre botte de foin. C’est donc à vous d’aller chercher ces indications chiffrées.
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Pour améliorer les performances de (re)production

Une ration bien équilibrée vous permet d’optimiser le gain de poids du bétail à l’engraissement, ou encore la production de lait des vaches ou brebis laitières, comme des mères allaitantes.
 
On n’y pense pas toujours au premier abord, mais la fertilité des bêtes est aussi en jeu. Une femelle un peu trop maigre a bien moins de chances de prendre le mâle ou de retenir un embryon qu’une bête en état. Ainsi, la qualité de ses performances dépend de ce qu’elle a dans l’assiette, bien en amont de la période de reproduction, d’ailleurs. Un peu comme un sportif !
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Pour la santé de vos animaux

Enfin, connaître la valeur alimentaire d’un fourrage est essentiel pour maintenir une bonne santé du troupeau. Des carences peuvent survenir s’il y a un déficit en certains minéraux essentiels, comme le calcium, ou le potassium.
 
À l’inverse, vous pouvez exposer les laitières à des problèmes d’acidose avec un ensilage de maïs mal dosé au regard de sa teneur en amidon.
 
En connaissant la composition exacte des fourrages, vous pouvez prévenir certains problèmes de santé et éviter “l’appel à un véto”. Ça vous parle sûrement ça, non ? Tout ça grâce à quelques minutes pour réaliser les échantillonnages. Ce serait clairement dommage de s'en priver.
 

Comment réaliser une analyse de fourrages ?

Les étapes clés

1) Prélèvement d'échantillons

La méthode de prélèvement peut varier selon le type de fourrage (ensilage, foin, etc.). Le protocole également, selon la méthode d’analyse utilisée, aussi reportez-vous aux consignes du laboratoire avec lequel vous travaillez. 
 
De la qualité de l’échantillon dépend la qualité des résultats. Ce n’est pas sorcier, mais il faut le faire avec soin pour éviter toute contamination de la matière à analyser par d’autres éléments extérieurs. Si vous avez manipulé des produits chimiques justes avant, ils pourraient se transférer sur la matière à analyser. Nettoyage des mains, gants et matériel propre sont donc de rigueur.
 

2) Choix du laboratoire

La précision et la fiabilité des résultats dépendent aussi de la qualité des méthodes employées par le laboratoire. Il est donc préférable qu’il soit certifié pour ses pratiques. Forcément, les bonnes adresses seront donc plus chères. N’hésitez pas à demander des références. Le bouche à oreille et l’expérience de certains éleveurs ou conseillers peuvent être précieux.
 

3) Tests : mesures et calculs

C’est là que sont passés au crible vos fourrages. La composition chimique et d’autres paramètres sont déterminés. Il peut s’agir de mesures de taux bruts ou spécifiques de protéines, de sucres, de fibres, des différents nutriments. Elles peuvent se faire par lecture infrarouge ou dosage chimiques par des analyseurs, selon les méthodes.
 
D'après ces mesures, d'autres indicateurs sont calculés. C’est le cas de données comme l’énergie nette de lactation ou d'entretien, ou la consommation de matière sèche. Cela permet de compléter les données pour avoir un maximum d’éléments exploitables.
 

4) Rapport d'analyse

Le laboratoire fournit enfin un rapport détaillant les résultats de l'analyse. Ce rapport doit être clair et comprendre des recommandations sur l'utilisation des aliments basées sur leurs valeurs nutritionnelles. Ces recommandations vous permettent ainsi de calculer vous-même, ou avec l'appui d'un nutritionniste, une ration économique et équilibrée pour vos vaches.
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Coût de l'analyse des fourrages

"Ok, c'est bien beau tout ça mon bon monsieur, mais combien ça va me coûter ?"
 
On va vous faire une réponse de Normand (que l'on salue), mais cela peut aller de quelques dizaines à plusieurs centaines d'euros par échantillon. Pourquoi autant de variabilité ? Cela dépend tout simplement du laboratoire et des méthodes utilisées, mais aussi de l’étendue des données que vous cherchez à connaître, et donc des analyses pratiquées.
 
Nous vous conseillons là encore de vous renseigner en amont, quitte à faire des devis. Certaines associations comme les syndicats ou les Chambres d’Agriculture, peuvent éventuellement vous recommander des laboratoires fiables, et avec un bon rapport qualité prix.
 

Comment interpréter les données d'analyse

Valeurs fourragères et leur impact

Parmi les indicateurs les plus intéressants, on peut citer : 
 
Les protéines brutes (PB) : elles sont essentielles pour la croissance des génisses, ou autres jeunes bovins, ovins ou caprins. Leur développement musculaire en dépend, mais aussi la reproduction et la production laitière ;
 
Les fibres : mesurées par la teneur en Fibres Détergentes Neutres (FDN) notamment. Elle indique la digestibilité du fourrage. Une vache laitière très productive a une capacité d’ingestion d’environ 1,2 % de son poids corporel en NDF, contre 1.6% pour une bête à l'entretien, d’après le professeur Ed Rayburn de l'Université de Virginie. Si vous ignorez cet élément, impossible de distribuer la bonne quantité de foin dans l’auge.
 
La valeur énergétique : elle est calculée à partir de la teneur en matières grasses et en glucides fermentescibles. Elle révèle donc le potentiel du fourrage dans la ration, pour atteindre les objectifs de production que vous visez.
 
Les minéraux : les teneurs en calcium, phosphore, magnésium, sélénium et compagnie sont déterminantes pour la santé osseuse, la qualité de la lactation, mais aussi les fonctions métaboliques (vitales).
 
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Utilisation des résultats pour l'optimisation des rations

Une fois les résultats sous le nez, vous savez à quoi vous en tenir. Vous pouvez désormais composer avec précision votre ration selon les catégories de bêtes de votre troupeau. Vous allez peut-être vous rendre compte que vous donniez trop d’enrubanné à vos laitières à l’entretien, et pas assez de foin de cette deuxième coupe de luzerne à celles en pleine lactation ! Ou encore que le foin qui sentait si bon manque en fait de fibres pour bien faire ruminer les animaux…
 
Vous savez aussi exactement de quel type de complément alimentaire votre troupeau à besoin. Fini, les minéraux et vitamines donnés au hasard parce que “ça peut pas faire de mal”. Parce que c’est encore mieux si ça fait vraiment du bien, là où il y en a besoin ! Et si vous utilisez du tourteau comme correcteur azoté, on connaît tous les prix… Quelque chose nous dit qu’éviter d’en donner plus qu’il n’en faut fera quelques heureux !
 
Évidemment, la balance économique de votre poste d’alimentation ne s’en portera que mieux. C’est généralement le plus coûteux dans un élevage, alors faire des analyses est finalement une goutte d’eau qui vous permettra de ne pas faire déborder le vase.
 
Voyez vraiment l’analyse de fourrage comme une assistance à votre travail d’éleveur, comme un chien aide à piloter un troupeau. Cela ne remplace pas votre expertise, et cela ne vous mettra pas à la retraite tout de suite ! En revanche, elle aide à agrandir votre champ de vision et éviter des erreurs qui pourraient coûter cher.
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Conclusion

Vous avez beau "avoir l'œil", cet œil-là n'est pas encore capable de déterminer avec précision la quantité de fibres ou de protéines de votre herbe. Et savoir qu’elle est composée de graminées ou de légumineuses ne suffit pas. Seules des analyses de vos ressources peuvent vous éclairer.
 
C’est finalement un petit investissement pour être sûr de faire les bons choix de composition de la ration. Vous éviterez ainsi un gaspillage malheureux, et obtiendrez sans doute de bien meilleures performances.
 
De plus, il est intéressant pour votre exploitation de comparer les données. D'une année sur l'autre, vous pouvez voir les évolutions de composition d'un “même” fourrage, sur le papier, en fonction des conditions climatiques qu’il a pu subir, ce que vous avez apporté ou non comme fertilisant, ou ses conditions de fauche et de conservation. Alors, convaincu ?