Comment améliorer la rentabilité de votre élevage ovin, en France
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Vous avez peut-être constaté, comme nous, la décapitalisation du cheptel ovin français ces dernières années. On enregistrait une baisse de 7,4 à 6,6 millions de têtes élevées sur notre territoire entre 2012 et 2022 (Agreste). De nombreuses contraintes peuvent bousculer chaque jour votre exploitation, risquant de mettre à mal votre trésorerie (et votre moral). Résultat : trop d'éleveurs mettent la clé sous la porte de la grange.
Chez ISAGRI, on est persuadés que ce n'est pas une fatalité. Vous vous sentez prêt à relever le défi pour une production rentable ?
L'enjeu de la rentabilité en élevage ovin : une des clés d'adaptation de la filière ovine
Les causes d'arrêt de production ovine sont souvent multifactorielles. Mais généralement, ce sont les finances qui sont en jeu. Prêts à rembourser, cours de la viande perdu dans les montagnes russes, coût de l'alimentation qui explose…
Alors quoi, on s'assoit au milieu de la paille (ou du foin, ça pique moins), et on pleure ? Sûrement pas ! On remonte les manches de sa cotte, on respire un grand coup la douce odeur du poil laineux, et on s'attaque au fond du problème.
La bonne nouvelle pour les résistants : une production en baisse est synonyme de prix de vente en hausse. Alors pour s'accrocher, il faut rentabiliser. Car qui dit rentable, dit pérenne. Les cordons de la bourse seront moins tendus, et vous aussi. Et un éleveur bien dans ses bottes, est un éleveur qui veut le rester... Et qui dit rentabiliser, dit optimiser. Le système, les coûts de production, et les revenus.
La mission n°1 de l'éleveur ovin : prévenir les problèmes de santé
"Prévenir c'est guérir"... Marre des phrases toutes faites façon dicton de grand-mère ? Pourtant, mamie avait bien raison. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'avec un troupeau au top de sa forme, on s'attaque au premier facteur limitant dans le vivant : la santé.
Et l'investisseur Jean-Paul Guisset a dit : "Le premier argent qu'on gagne, c'est celui qu'on n'a pas dépensé". Eh bien, vous savez quoi ? On est entièrement d'accord avec lui, ça s'applique très bien aux dépenses de santé.
Gestion des maladies des ovins
Attention à ne pas confondre dépense et investissement. Dans le deuxième cas, on sort de l'argent, qui va permettre d'en faire rentrer davantage, ou de ne pas en sortir sur le long terme, vous nous suivez ? C'est valable dans tous les domaines.
Les bêtes noires chez les ovins, ce sont les infections respiratoires et gastro-intestinales. Prenons l'exemple d'une maladie bien connue : l'enterotoxémie. Elle est particulièrement virulente, fatale même, surtout chez les jeunes.
Un bon investissement serait de vacciner le troupeau. Mais il se trouve que l'on a une fâcheuse tendance à agir une fois que le mal est fait. 1/3 des ovins seulement étaient vaccinés en 2020 (toutes pathologies confondues), selon l'Observatoire de la vaccination.
Qui pense qu'il peut passer entre les mailles du filet ? Allez, on l'a tous fait un jour ou l'autre, alors pas de jugement. Voyons plutôt en quoi la vaccination peut être un réel levier de maîtrise des coûts de production de votre élevage ovin, et donc un acteur de sa rentabilité.
Si l'on a 10 % de mortalité sur un troupeau, avec un prix de vente à 10 €/kg carcasse, on a un manque à gagner potentiel de : 180 €x10 agneaux sur un lot de 100 bêtes (pour 18 kg carcasse).
Soit 1 800 € de chiffre d'affaires en moins. Avec un vaccin à 3 € la dose (à confirmer avec votre vétérinaire), cela aurait représenté une dépense de 30 €. Le prix de la fierté éprouvée après avoir reçu les résultats de l'abattoir de vos agneaux épargnés par la maladie.
Les autres moyens de prévention conseillés sont les mesures de désinfection des bâtiments et petits matériels, après chaque lot, et la quarantaine. Pour accueillir les nouveaux membres de la troupe, mais aussi lorsqu'une maladie est déclarée.
Gestion des boiteries chez les moutons
Avec des douleurs aux pattes, les déplacements sont compliqués, surtout au pâturage. Un mouton qui souffre est soumis à un stress, et se nourrit moins bien. Si le blessé est une femelle allaitante, c'est son agneau qui va faire les frais de cet épisode car sa mère produira moins de lait.
La double peine. Non seulement il coûte de l'argent en soins, mais en plus, il ne sera pas bien valorisé s'il ne grossit pas. Et si vous le gardez plus longtemps pour qu'il se requinque, ce n'est guère mieux. Le piétin par exemple (maladie bactérienne), mais aussi la fourbure (due à une alimentation trop énergétique) ou les abcès, sont les principales causes.
Pour le premier, un vaccin existe. De façon générale, un parage biannuel des onglons est... imparable (ou presque), pour limiter l'installation d'infection.
Le sulfate de zinc, en bain de pieds, peut aussi prévenir et traiter. Enfin, des pâtures qui tournent pour limiter l'exposition bactérienne dans des zones à risques, lorsqu'il y a un chargement important.
Assurer une alimentation et une eau optimales
Une ration économique et équilibrée
Si votre tracteur tourne au gazole, il ne vous viendrait pas à l'idée de lui donner de l'essence ? Si oui, il y a fort à parier qu'un rdv dépannage s'impose, facture salée à la clé. Eh bien c'est pareil avec vos moutons. Chacun selon son stade de vie a des besoins élémentaires pour éviter la case réparation.
Croissance, gestation, lactation, entretien, identifiez les lots pour leur attribuer les rations les plus adaptées.
Il est évidemment essentiel d'avoir de bonnes bases en alimentation animale pour la gestion quotidienne de ce poste. Un conseiller spécialisé peut vous aider à faire les bons choix en cas de doute, ou mieux équilibrer votre ration actuelle. Pour les rumens comme pour votre porte-monnaie.
Dans l'absolu, l'idéal est de viser une autonomie alimentaire, et donc produire la matière première de votre ration. Au maximum. Et de toujours respecter une transition alimentaire pro-gres-sive. Hors de question de lâcher les troupes dans l'herbe bien grasse du printemps, ou ils ne vont pas sauter allègrement très longtemps (le bonjour à la fourbure, ou l'acidose).
Ensuite, on aime bien rappeler quelques basiques qui peuvent être fort utiles pour réduire le risque d'erreurs qui coûtent cher (et ruinent votre rentabilité). Basiquement, retenez que les fourrages doivent être majoritaires dans le bol alimentaire d'un ruminant. C'est le bon fonctionnement de la machine à ruminer qui assure la transformation des aliments en nutriments.
Une fois que la ration est équilibrée entre énergie et protéines, pensez aux compléments vitaminiques et minéraux, souvent nécessaires.
Optimiser l’abreuvement
Et on n'oublie pas l'eau ! Impossible de s'en passer pour aller bien. Il s'agit de garantir :
- La quantité : prévoir une consommation entre 2,5 et 5 L/jour, avec un abreuvoir pour 20 à 30 brebis (en bâtiment), selon les recommandations de l'IDELE ;
- La qualité : maîtrise des critères physico-chimiques que sont la température, le pH, la dureté, les taux de chlore ou de nitrates...
Alors on n'hésite pas à faire des analyses, surtout quand l'approvisionnement est à la source, non contrôlé. Ça permet d'ailleurs d'éviter de voir débarquer la fameuse entérotoxémie.
Et en parlant de source, de nombreuses solutions existent pour avoir accès à l'eau au pâturage : récupération de l'eau de pluie, système gravitaire, tonne à eau... Et si vous devez pomper, pensez aux sources d'énergie naturelles comme le soleil.
Des infrastructures à faire pâlir une rouge de l'Ouest
Soigner la qualité de vie des animaux en bâtiment
La litière
Elle doit être absorbante et confortable, pour assurer une qualité de repos propice à une bonne assimilation de l'alimentation. La classique paille de blé, mais aussi de chanvre, peuvent être des solutions intéressantes. Attention aux copeaux, s’ils génèrent de la poussière.
L'aération et la ventilation
On veut que l'air soit correctement renouvelé pour éviter l'humidité ou l'excès d'azote. Mais surtout, pas de courants d'air. Vérifiez vos sensations en vous mettant au même niveau que les animaux, donc en vous baissant. L'architecture du bâtiment (hauteur sous faîtage, présence de décrochés...) peut être responsable de certaines problématiques, à anticiper en cas de construction ou travaux.
La luminosité
Une juste alternance de "jour/nuit" (Okaay?) dans la journée est primordiale pour permettre à la mélatonine, par exemple, d'être correctement produite. C'est un des facteurs clés de la réussite de la période de reproduction.
Ainsi, si vos ovins sont en bergerie la journée, en hiver peut-être, ils doivent bénéficier d'une forme d'ensoleillement, par des ouvertures bien pensées. Si on peut, on évite les éclairages artificiels en journée, n'oubliez pas que l'on cherche à réduire les coûts pour améliorer votre rentabilité.
Fournir de l’ombre en pâture
Les agneaux supportent assez mal la surchauffe. Si vous les voyez haleter, gare au coup de chaleur, ou le vétérinaire vous guette ! Vous l'avez compris plus, on préfère éviter ce genre de dépense.
En plus, une réduction de l'ingestion accompagne souvent les périodes de fortes chaleurs, au-delà de 25°C. Des arbres ou haies sont idéaux, en plus de favoriser la biodiversité, par rapport aux autres abris. Renseignez-vous auprès d'organismes comme la Chambre d'agriculture. Des programmes de réimplantation peuvent vous aider à réduire la facture grâce à des subventions.
Suivi de performances pour évaluer l'installation
Que l'atelier ovin soit complémentaire ou principal, suivre ses performances pour identifier les sources de problèmes est un excellent moyen d'agir vite et bien.
Réforme des brebis à problèmes, réorganisation des lots, révision des rations... De nombreux logiciels existent pour faciliter votre gestion. Trouvez votre organisation idéale pour optimiser et rentabiliser votre outil de travail.
Conclusion
Devenir éleveur ovin (et le rester !) est un accomplissement pour beaucoup d'entre vous. Brebis laitières, production de viande... Les opportunités de reprise ou d'installation ne manquent pas. En suivant ces conseils, et en vous faisant aider, vous maximiserez vos chances d'entretenir un élevage ovin rentable.
Des sessions de groupe sont régulièrement organisées dans certaines institutions agricoles pour former des professionnels de l'élevage ovin, tenez-vous au courant. On en apprend tous les jours !