Le court-noué est une grave maladie de la vigne d’origine virale, présente dans le monde entier. Celle-ci est transmise par des nématodes au niveau des racines. Elle entraîne le dépérissement des ceps et des porte-greffes infectés à des degrés divers et peut conduire à l’arrachage. Biologie, prévention, traitements disponibles : découvrez tout ce qu’il faut savoir sur le court-noué.
SOMMAIRE :
- Définition : qu'est-ce que le court-noué de la vigne ?
- Impact économique du court-noué de la vigne
- Biologie du pathogène viral
- Biologie des nématodes
- Symptômes du court-noué sur la vigne
- Comment protéger ses vignes contre le court-noué ?
- Perspectives : les avancées de la recherche contre le court-noué
Identifié par William Boright Hewitt en 1958, le court-noué est causé par des virus du genre Nepovirus. Cette affection provoque divers effets, similaires à d’autres maladies, rendant son identification difficile :
• symptômes foliaires avec déformations, chloroses
• croissance réduite par la perturbation des fonctions racinaires
• réduction du rendement
• vulnérabilité accrue aux stress biotiques et abiotiques
• mortalité de la vigne
Ces pathogènes affectent aussi bien les vignes que les parcelles de pieds-mères et les pépinières. Lors de sa découverte, Hewitt a également observé que cette maladie virale était transmise par des nématodes, vers ronds microscopiques.
Présente dans les vignobles bien avant le phylloxera, cette maladie s’est rapidement répandue à cause de la seconde avec les arrachages massifs des souches à la fin du 19e siècle. Le déplacement de terre (animaux, ouvriers, outils…) a conduit à la dispersion des nématodes de parcelles en parcelles. Le remplacement des vignobles a également eu la priorité sur les contrôles du matériel végétal, favorisant la diffusion de ceps contaminés.
Source photo : IFV Occitanie
Les vecteurs directs de cette maladie dégénérescente comprennent plusieurs nématodes qui vivent dans la rhizosphère, la zone racinaire des souches (de 30 cm à plusieurs mètres de profondeur). Ils transmettent le virus en piquant les radicelles à l’aide de leur stylet pour se nourrir. On en compte 18 espèces réparties en 3 genres :
• Longidorus (8 espèces)
• Paralongidorus (1 espèce)
• Xiphinema (9 espèces)
Les plus répandus sont Xiphinema index (GFLV) et Xiphinema diversicaudatum (ArMV). Toutefois, les nématodes n’expliquent pas à eux seuls la propagation de la maladie, ces derniers ne parcourant que quelques dizaines de centimètres par an.
Ce sont les pratiques agricoles humaines (mécanisation, labours, transport de cépages infectés) qui ont contribué le plus fortement à la diffusion des nématodes.
Les conséquences économiques liées au court-noué sont très fortes et mettent en péril la pérennité du vignoble français : perte de rendement, affaiblissement les ceps. Le déracinement des pieds, couplé à une période de jachère, entraîne également un manque à gagner.
Comme la plupart des virus, les népovirus dépendent de leurs hôtes pour se propager. Une fois à l'intérieur, ils détournent la machinerie cellulaire du vecteur pour se répliquer. Les particules virales nouvellement formées sont alors prêtes à infecter d'autres cellules.
Quand un vecteur, comme Xiphinema index, se nourrit des racines d'une vigne infectée, il ingère les particules virales. Celles-ci sont composées de matériel génétique encapsulé à l'intérieur de la capside protéique.
La capside adhère ensuite à l'intérieur du système digestif du nématode, rendue possible par l'interaction avec des récepteurs spécifiques présents dans l’hôte. Il est important de noter que le virus n'infecte pas le nématode qui assure simplement le déplacement physique du virus jusqu’à une autre racine. Il reste infectieux pendant plusieurs mois.
Bon à savoir : le nématode perd sa viralité chaque fois qu’il mue, la capside protéique du virus se logeant dans la cuticule, une zone systématiquement évacuée.
Au stade actuel des connaissances, seuls Xiphinema index et Xiphinema diversicaudatum peuvent efficacement acquérir, conserver et transmettre les particules virales du court-noué aux vignes.
La propagation des népovirus dépend largement de leurs vecteurs spécifiques et de leur capacité à se propager dans l’hôte.
Le greffage de vignes infectées facilite également la transmission du court-noué d'une plante à une autre.
Les nématodes de la vigne vivent au niveau du chevelu racinaire, sous la couche superficielle du sol qui peut être travaillée. Ils passent par un cycle de 4 stades larvaires distincts. Leur reproduction se fait essentiellement par parthénogenèse (pas de reproduction sexuée).
Une fois arrivées à maturité, les femelles pondent leurs œufs, non porteurs du virus, autour d'avril-mai, directement à proximité de leur plante-hôte.
La densité des nématodes varie en fonction de la porosité du sol et de l'humidité. Ils affectionnent les sols argileux et sont moins présents dans les sols sablonneux.
Ils parcourent en moyenne 1,5 m de distance par an, ce qui explique le lent développement de la maladie en foyer. Néanmoins, des facteurs externes comme le ruissellement de l'eau, les inondations, le transport de terre ou les travaux du sol peuvent contribuer à leur dispersion.
Le danger du court-noué réside dans la résistance du duo virus/vecteur. Il a été démontré que la présence et la distribution des duos dans le sol pouvait être durables :
• Xiphinema index (GFLV) : 6 % de plants infectés après plantation de nouvelles vignes sur une parcelle arrachée, non cultivée depuis 6 ans
• Xiphinema diversicaudatum (ArMV) : présence identique sur une parcelle de framboisiers, même 30 ans après arrachage, jachères et différentes cultures
Cette persistance, couplée à leur capacité à survivre en se nourrissant de fragments de racines résiduels, rend les infestations particulièrement difficiles à éradiquer.
Dans des conditions défavorables, les nématodes entrent en état de dormance. Ils peuvent survivre sans nourriture pendant plusieurs années et reprendre leurs activités normales lorsque les conditions redeviennent favorables, tout en conservant leur viralité.
Les symptômes du court-noué (jaunissement, taches annulaires, déformations…) varient selon plusieurs facteurs comme :
• la souche du virus : GPLV, ArMV
• l’importance de la charge virale
• la variété de la vigne
• l'âge de la plante : plus visibles sur des vignes jeunes
• les conditions environnementales : stress, maladies
Ces signes peuvent se manifester sur un seul rameau, ce qui rend l’identification complexe. Il existe également des cépages (Fer Servadou N, Macabeu B, Prunelard N…) dont les particularités génétiques engendrent des symptômes similaires, même en l’absence du virus.
Pour ne pas confondre le court-noué avec d’autres maladies ou carences, il est important de s’appuyer sur un test ELISA.
La maladie peut entraîner un affaiblissement progressif des vignes, à cause des boursoufflures apparues au niveau du système racinaire qui devient plus fragile. Cela affecte la végétation et la vitalité globale des plantes : nanisme du pied, végétation retardée et rabougrie au printemps, port buissonnant.
Les vignes atteintes présentent divers symptômes au niveau des feuilles :
• décolorations : jaunissement du feuillage, qui tire vers le blanc en étéSource photo : IFV Occitanie
Les signes du court-noué sur les rameaux sont :
• un raccourcissement et une déformation des entre-nœuds
• une croissance en zigzag des brins
• un aplatissement ou une fasciation
• des divisions anormales en fourche au niveau des nœuds
• une disposition anarchique des vrilles
• le départ de nombreux bourgeons secondaires
Le court-noué affecte également les grappes. La maladie entraîne des troubles de la fécondité, et par extension, une perte de rendement et de qualité des raisins :
• coulure jusqu’à 100 %
• millerandage
• réduction du nombre et de la taille des grappes
• concentration des tanins
Il n’existe actuellement aucune méthode curative contre le court-noué, une fois diagnostiqué dans une parcelle. C’est pourquoi la prévention et l’hygiène au vignoble sont impératifs.
Voici quelques bonnes pratiques pour protéger une parcelle encore saine, avant et après plantation :
• Si parcelle arrachée, laisser en repos au moins 7 ans avant de replanter avec des plants certifiés.
• Entretenir les fossés et les abords des parcelles pour limiter les risques de ruissellement.
• Éliminer systématiquement les repousses de vignes.
• Nettoyer régulièrement le matériel pour éviter le transport de terre pouvant contenir Xiphinema index / diversicaudatum.
• Limiter le phénomène d’érosion et de ravinement qui favorise la propagation des nématodes.
Si des analyses ont prouvé la présence du court-noué, il est essentiel de prendre des mesures pour limiter la contamination des ceps alentour. Vous observerez les étapes suivantes :
• dévitalisation de la souche avant de l’arracher : attention aux pieds voisins
• arrachage « doux » du pied pour éviter la propagation
• extraction et élimination rigoureuse des racines
Bien qu’économiquement difficile, le repos du sol est très recommandé : au minimum 18 à 24 mois en jachère pour réduire les risques, même sur une parcelle sans historique de court-noué.
Par le passé, la gestion était possible par désinfection du sol, notamment à l’aide de pesticides comme l’aldicarbe (granulés) et le dichloropropène (fumigant du sol). Toxiques, ces solutions sont aujourd’hui interdites pour la vigne. Des tests ont aussi été réalisés avec le DMDS (disulfure de diméthyle), sans résultats probants.
Il n’existe actuellement aucune alternative chimique.
Malgré plusieurs avancées, aucune solution n'est encore complètement concrète ou acceptable d'un point de vue social ou réglementaire.
Les chercheurs travaillent au développement d’un porte-greffe hybride ou transgénique tolérant entre Vitis vinifera et Vitis Muscadinia rotundifolia.
Créé en 2011, le porte-greffe hybride Némadex AB (Alain Bouquet) présente une bonne résistance malgré une faible vigueur et une sensibilité à la sécheresse, ce qui le rend peu attractif.
Il a également été observé que le Riesling disposait d’une résistance naturelle au GFLV (pas à X. index) grâce à un facteur génétique unique : rgflv1, situé sur le chromosome 1. Cela ouvre la voie à une meilleure compréhension de la tolérance des vignes.
Du côté du virus, il a été démontré qu’une mutation du GFLV pouvait influencer la capacité d’adhésion dans l’hôte. L’acquisition par le nématode demeure, mais la rétention est rendue plus difficile, ce qui affecte la transmission virale à d’autres plantes.
Les chercheurs mènent aussi des essais dans le domaine de la prémunition (vaccination). Ils visent le contrôle de la maladie en utilisant des souches peu virulentes du GFLV afin de prévenir l'infection par des souches plus actives. C’est l’objet des projets VACCIVINE 1 (2018 à 2021) et 2 (en cours).
Les recherches visent également l’identification de plantes nématicides. Suite aux résultats du projet BIOCOU lancé en 2015, il est apparu que certaines plantes pouvaient réduire naturellement les populations de nématodes :
• vesce velue
• avoine
• trèfle violet
• moutarde blanche
• luzerne
• sainfoin
L’utilisation de ces végétaux nématicides semble être une solution intéressante pour des couverts hivernaux et la jachère. À l’inverse, la phacélie, le sarrasin, le chanvre ou encore le sorgho participent à augmenter le nombre de vecteurs.
Le projet BIOCOU a également mis en évidence l’existence d’un champignon nématoparasite. Cette piste est encore à l’étude pour séquencer l’ADN et identifier le parasite fongique.
Un autre angle de recherche en parallèle de projets comme VACCIVINE 2 est le développement d’Outils d'Aide à la Décision (OAD) avec différents objectifs :
• identifier les zones nécessitant des arrachages (diagnostic VIROSE, diagnostic NEMATODES) et déterminer le temps de jachère nécessaire (initiative Vitinnov)
• déterminer les variants atténués du virus les mieux adaptés à chaque type de sol et de cépage
• contrôler le matériel végétal initial
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