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Botrytis de la vigne : prévention, traitements et conseils 

Le botrytis est une grande famille de pathogènes fongiques qui occasionne d’importants dégâts en agriculture. Dans le cas des vignobles, il s’agit de Botrytis cinerea. Ce dernier est responsable de la pourriture grise, une maladie de la vigne redoutée pour ses effets : perte de rendement et baisse de la qualité des moûts. Biologie, prévention, traitements disponibles : découvrez tout ce qu’il faut savoir sur la pourriture grise et les conseils pour lutter efficacement contre Botrytis cinerea. 

SOMMAIRE :

  1. Impact de la pourriture grise sur le rendement et la qualité du vin
  2. Biologie du champignon Botrytis cinerea
  3. Les symptômes de la pourriture grise sur les vignes
  4. Stratégies de gestion et conseils phytosanitaires

 Impact de la pourriture grise sur le rendement et la qualité du vin 

La taxonomie actuelle recense 38 espèces de Botrytis, champignons saprophytes qui dégradent la matière organique en décomposition. Cette famille de pathogènes végétaux est l’une des plus répandues et problématiques au niveau de l’agriculture mondiale. Le coût annuel des dégâts occasionnés par Botrytis est estimé entre 10 et 100 milliards de dollars de perte économique.  

 Découvert en 1794, Botrytis cinerea infecte quant à lui près de 1 400 espèces végétales. En vigne, il touche tous les organes verts de la plante (feuilles, jeunes pousses, rameaux, grappes), les attaques sur baies étant les plus problématiques. Cette maladie peut poser problème du printemps à la fin des vendanges, et même lors de la production des vins.  

Nuisibilité du botrytis sur le rendement

En se développant sur les feuilles, le botrytis peut nuire à l’activité photosynthétique. Sur les inflorescences, il peut engendrer une forte coulure, nuisant aux rendements.  

 La présence de pourriture grise au moment de la vendange peut exiger un tri manuel en parcelle pour éliminer les grappes impactées et éviter les accidents de vinification. Le botrytis conduit donc à un surcoût de main-d’œuvre et une perte de rendement. 
 
Il est estimé qu’une parcelle touchée à 20 % par Botrytis cinerea occasionne près de 10 % de perte de rendement.

Effet sur le moûts et les vins

Les infections du botrytis déclenchent la prolifération d’autres microorganismes dans les raisins qui participent à l’altération de la couleur et des arômes (goût moisi - terreux), ainsi qu’à l’augmentation de l'acidité volatile. Cela entraîne donc des difficultés et des surcoûts au chai pour corriger les déviances. 

 Seulement 5 % de grappes touchées sur la récolte peuvent suffire à fortement modifier la qualité organoleptique des vins. 

Sensibilité des cépages à la pourriture grise

Le champignon Botrytis cinerea affecte différemment les cépages. Le pathogène suit un processus complexe, multifactoriel et multicouche, pour contourner ou rendre inoffensives les défenses des plantes, dont voici des exemples : 

  • production de l’enzyme stilbène oxydase : détoxification des phytoalexines 
  • production de métabolites phytotoxiques 
  • génération de CDIPs (Cell death-inducing proteins) qui induisent la mort cellulaire 
  • production de peroxyde d'hydrogène pour faciliter la pénétration dans les tissus 
  • modulation du pH du tissu local (acidification, alcanisation) pour neutraliser les défenses 

Du côté de Vitis vinifera, les défenses combinent également différentes stratégies : 

  • production de phytoalexines, des composés antimicrobiens 
  • production d’enzymes antioxydants 
  • production de phytohormones : acides salicylique, acide jasmonique, éthylène
  • signalisation cellulaire aux autres parties de la vigne 
  • épaisseur de la cuticule cireuse des végétaux
  • présence de proanthocyanidines, un type de tanins contenu dans la peau des raisins qui bloque l’action de la stilbène oxydase 
  • existence d’ARN longs non codants qui modulent les défenses basales des plantes 
Plus de 3600 gènes ont été identifiés chez la vigne comme entrant en relation avec l’attaque de Botrytis cinerea. Mais des recherches doivent encore être menées pour comprendre ces interactions.  

 Voici quelques exemples de sensibilité des cépages à la pourriture grise : 

  • Peu sensibles : Petit Manseng, Petit Verdot, Tannat, Viognier
  • Moyennent sensibles : Cabernet Sauvignon, Carignan, Chasselas, Gros Manseng, Marsanne, Poulsard, Syrah
  • Sensibles : Cabernet Franc, Cinsault, Colombard, Cot, Gamay, Grenache, Grolleau, Jurançon, Mauzac, Merlot, Muscat d’Alexandrie, Muscat petit grains, Pinot Noir, Riesling, Sémillon, Ugni Blanc
  • Très sensibles : Aligoté, Chardonnay, Chenin, Gewurztraminer, Macabeu, Muscadelle, Négrette, Pinot blanc, Pinot gris, Piquepoul, Roussane, Sauvignon 

Biologie du Botrytis cinerea

En conditions idéales, Botrytis cinerea peut s’attaquer à tous les tissus verts de la vigne. De nombreux facteurs externes jouent sur son développement dans les vignobles. Trois périodes clés de la contamination sont à surveiller : 

  • fin de floraison : infection via les plaies liées aux capuchons floraux
  • fermeture de la grappe : inoculum piégé entre les grains
  • véraison : le champignon pénètre dans les baies fragilisées 

Cycle de vie du pathogène

Durant l'hiver, le champignon persiste à la fois sous les feuilles tombées au sol, sur les rameaux et sous l’écorce, sous 2 formes : 

  •  les sclérotes (agrégats de mycélium)
  • les filaments mycéliens 
Au printemps, stimulés par les pluies, le mycélium se développe et les sclérotes se couvrent de fructifications grises. Ces structures libèrent des conidies et des spores, dispersées par le vent ou la pluie, qui initient des contaminations secondaires. Il s’agit donc d’une maladie à foyer. 

 Le champignon pénètre ensuite les tissus végétaux, soit en pénétrant la cuticule avec ses hyphes, soit via des blessures. Il évolue de saprophyte à parasite. La propagation se fait de manière adjacente par le mycélium ou par de nouveaux foyers d'infection dus aux conidies. Les infections secondaires après la véraison peuvent être très destructrices. 

 Avant la véraison, les baies immatures ne sont pas très réceptives, sauf en cas de blessure. Le pathogène reste dormant dans les tissus de la baie verte sans signes apparents. La réactivation de l'infection se produit pendant la maturation des raisins, stimulée par des changements physiologiques et biochimiques dans les baies. Elles deviennent alors très sensibles. 

 

Conditions favorisant la propagation de la pourriture grise

Il existe un grand nombre de facteurs susceptibles de favoriser la pression de la pourriture grise. Les conditions climatiques ont une importance capitale :
  • température modérée, idéalement entre 15 et 20°C ;
  • humidité relative élevée, supérieure à 90 % : les spores survivent en conditions sèches, mais nécessitent une surface mouillée pour germer ;
prolifération rapide sur des périodes humides prolongées, surtout pendant la véraison et la maturation des baies 
 
Les facteurs agronomiques ont également une incidence : 
  •  types de sol et topographie : affectent la rétention d'eau et l'humidité microclimatique
  • pratiques culturales qui empêchent l’aération des végétaux : densité de plantation, taille, palissage ou effeuillage négilgé
  • choix du cépage, du porte-greffe et du clone : plus ou moins résistant à la pourriture, charge trop importante de raisin
  • fertilisation excessive, désherbage systématique 
Enfin, il ne faut pas sous-estimer les dommages collatéraux qui peuvent affaiblir la vigne et faciliter l'entrée et la propagation de Botrytis cinerea, à cause : 
  • d’autres bioagresseurs (eudémis, cochylis) et maladies fongiques
  • des travaux des vignes : rognage, effets secondaires des traitements fongicides
  • des orages et de la grêle 

 

Les symptômes de la pourriture grise sur les vignes

On reconnaît facilement le champignon à sa présence sur les feuilles (feutrage blanc) et sur les baies (moisissures blanc-gris). Des recherches précisent que la virulence du champignon peut varier selon la souche de Botrytis cinerea. 

Symptômes sur les sarments

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Le botrytis signale sa présence sur les rameaux de la vigne en plusieurs étapes, avant et après l'aoûtement, souvent à la suite de blessures (outils, palissage) :

  • avant aoûtement : les rameaux affectés commencent à montrer des taches brunes (nécroses) ;
  • après aoûtement : ces marques brunes prennent une couleur plus blanche. Des sclérotes apparaissent (boursoufflures noires, structures de conservation hivernale du champignon)

Source photo : BASF agro

 

Symptômes sur les feuilles

botrytis_vigne_feuilles_1540x866 BASFLes attaques sur feuilles de vigne n’ont généralement pas d’impact économique. En revanche, elles signalent efficacement la présence de la pourriture grise :
  • premiers signes : apparition de nécroses brun-rouge (aspect brûlé) partant du bord des limbes
  • en conditions humides : développement d’un feutrage grisâtre (fructifications du champignon) sur la face inférieure des feuilles ;
  • progression de l'infection : propagation des taches brunes à l'ensemble du limbe, menant à l’enroulement de la feuille. 

Source photo : IFV Occitanie

 

 

Signes visibles sur les grappes 

botrytis_vigne_grappe_1540x866 BASF

Les grappes sont vulnérables au botrytis à différents stades, chacun présentant des symptômes distincts :

  • pendant la floraison et la nouaison : taches brunes sur les inflorescences et la rafle, possibilité de dessèchement ;
  • entre la véraison et la récolte : production d’un épais feutrage gris-blanc en conditions humides, baies à l’aspect pourri (cépages rouges et blancs) et violet-brun (cépages blancs). Phase critique avec une sensibilité élevée des raisins au mycélium du botrytis qui dégrade la pellicule des baies ;
  • après véraison : toute la grappe peut être colonisée. 

 

Source photo : BASF

 

Stratégies de gestion et conseils phytosanitaires

La pourriture grise est une maladie fongique difficile à prévoir. Sa propagation varie fortement en fonction des millésimes et des conditions météorologiques. 

 Pour une gestion efficace, il est d’abord nécessaire d'identifier les parcelles à risque et/ou régulièrement affectées, pour lesquelles des mesures préventives intensives sont nécessaires. 

 L'approche la plus efficace en viticulture conventionnelle associe le biocontrôle à un traitement fongicide en début de saison (stade A ou B), puis le biocontrôle à partir de la fermeture de la grappe jusqu'à la récolte. 

 Pour les vignes moins exposées, des mesures prophylactiques doivent suffire. 

Mesures préventives et prophylactiques

La prophylaxie joue un rôle crucial dans la gestion de la pourriture grise, particulièrement pendant les années de faible à moyenne pression, pour minimiser les conditions favorables à la croissance du champignon. Elle constitue un élément fondamental dans la gestion des maladies cryptogamiques, en viticulture bio(https://blog.isagri.fr/viticulture-bio-comment-réussir-la-protection-de-ses-vignes) comme dans les autres types de conduite. 

 Les méthodes prophylactiques sont systématiquement recommandées avant d'envisager des solutions de biocontrôle ou phytosanitaires, avec des actions comme : 

 
  • la gestion de la vigueur des vignes : enherbement, fertilisation azotée ajustée
  • l’aération des grappes (exposition au soleil et à la pulvérisation) : ébourgeonnage, palissage, effeuillage, rognage
  • la limitation de l'entassement des grappes : choix de taille, vendanges vertes
  • le contrôle des nuisibles : gestion des tordeuses (eudémis, cochylis) par confusion sexuelle, lâcher de trichogrammes, insecticide sélectif (Bacillus thuringiensis)
  • le bon réglage des outils de rognage et d’effeuillage pour éviter les blessures
  • l’élimination des grappes impactées encore sur pied pendant/après la vendange 

Solutions de biocontrôle anti-botrytis

Quand la prophylaxie ne suffit pas, le biocontrôle offre une alternative efficace pour combattre le champignon. Dans les vignobles où les traitements anti-botrytis sont courants, ils permettent de :
  • remplacer 1 à 2 traitements fongicides
  • diminuer l'indice de fréquence des traitements (IFT)
  • raccourcir les délais avant récolte, utile en cas d’intervention tardive
  • limiter les phénomènes de résistance
éviter la présence de résidus phytosanitaires dans la vendange 

Il existe une dizaine de produits de biocontrôle actuellement disponibles pour différentes stratégies, réunis en 2 familles : les microorganismes vivants et les produits d’origine naturelle.  
  • bactéries et champignons (utilisables dès la floraison) : inhibition de la germination, compétition spatiale ou nutritive, production de substances antifongiques, formation de biofilms, stimulation des défenses de la plante (Aureobasidium pullulans, Bacillus amyloliquefaciens, Bacillus subtilis, Metschnikowia fructicola, Pythium oligandrum, Saccharomyces cerevisae, Trichoderma atroviride)
  • produits à action directe (utilisables à la fermeture des grappes) : modification du pH des spores et mycéliums, pression osmotique (bicarbonate de potassium), destruction des membranes cellulaires (huile essentielle d’orange), perturbation des organites (thymol, eugénol, géraniol) ;
  • produits à action physiologique (utilisables dès la floraison) : frein au développement du champignon par assèchement (terpènes), meilleure aération des grappes (acide gibbérellique) 
 Bon à savoir : l’efficacité des micro-organismes peut être compromise par plusieurs facteurs : 
  • capacité à survivre dans la vigne
  • météorologie
  • conditions d’application
  • nature du terroir 

Les produits à action physique, déjà étudiés par les chercheurs, sont plus robustes et moins impactés par les facteurs externes. Des recherches sont encore nécessaires pour optimiser leur positionnement. 

Traitements fongicides anti-botrytis

Les traitements phytosanitaires sont à adapter aux phases de développement du champignon. Il est intéressant d’agir à l’installation du botrytis avec 1 application entre la fin de floraison et la fermeture de grappe, 2 si la situation l’exige. Cette stratégie représente 50 à 60 % de l’efficacité du programme anti-botrytis. 

 La géolocalisation du vignoble compte également dans la construction de votre programme : 
  • régions septentrionales : viser une application précoce entre les stades A et B
  • régions méridionales : applications possibles entre les stades A et C 

Bon à savoir : La découverte de l’existence de plusieurs souches distinctes de botrytis, dont certaines particulièrement résistantes, alerte sur l’importance d’alterner les familles chimiques. Il est donc recommandé de privilégier la prophylaxie et le biocontrôle afin d’éviter le développement de résistances déjà en place dans le vignoble.

S'appuyer sur les OAD pour mieux protéger les vignes

Les Outils d’Aide à la Décision permettent une analyse précise des conditions de chaque parcelle, ce qui favorise la prise de décisions agronomiques éclairées, en temps réel. Les OAD tirent parti des données météorologiques, des images satellites et des caractéristiques spécifiques des parcelles pour proposer des recommandations personnalisées. 

 L’importance des OAD dans la gestion des pathogènes fongiques, et plus largement leurs avantages dans le pilotage de l’exploitation(https://www.isagri.fr/oad), n’est plus à prouver :

  • meilleure planification des travaux
  • gestion des risques améliorée
  • optimisation des stratégies phytosanitaires
  • ajustement de la fertilisation azotée
  • réduction des coûts et et de l’impact environnemental
  • combinaison possible entre les OAD
  • davantage de tranquillité d’esprit 

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